Attentat d’Istanbul : accusés, les combattants kurdes nient toute implication

La Turquie a enterré ce 14 novembre les six victimes de l’attentat survenu dimanche dans la grande rue commerçante d’Istiklal à Istanbul, attribué par les autorités aux mouvements kurdes du PKK/YPG, qui démentent toute implication.

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Le 13 novembre en Turquie, une explosion d'origine inconnue est survenue dans l'artère commerçante d'Istiklal, au cœur d'Istanbul. Crédit: Capture d'écran

Plus de 24 heures plus tard, l’opération n’a pas été revendiquée. La ville d’Adana (sud) a accompagné les funérailles de la petite Ecrin, 9 ans, tuée avec son père alors qu’ils attendaient ensemble la mère, entrée dans une des nombreuses boutiques de la rue. Les quatre autres victimes ont été enterrées à Istanbul. Le maire de la ville Ekrem Imamoglu a porté le cercueil d’une jeune femme tuée, avant d’aider, pelle en main, à le recouvrir de terre.

Les six passants ont succombé à une explosion de TNT survenue dans l’artère bondée en ce dimanche ensoleillé. Plus de 80 autres ont été blessés, dont une vingtaine restaient hospitalisés lundi.

“Nous ne visons pas les civils”

Les autorités ont rapidement accusé les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et leurs alliés en Syrie, annonçant 47 arrestations, dont celle de la poseuse de bombe, une jeune Syrienne de 23 ans qui aurait agi à leur demande. “D’après nos conclusions, l’organisation terroriste PKK est responsable” de l’attentat, avait affirmé dans la nuit de dimanche à lundi le ministre de l’Intérieur Süleyman Soylu.

Mais le PKK, qui affronte Ankara depuis près de quarante ans, a assuré n’avoir “aucun lien avec cet événement” : “Nous ne visons pas les civils et rejetons les opérations qui le font”, a affirmé l’organisation via une agence de presse amie, Firat.

La principale suspecte, nommée Alham Albashir selon la police, serait entrée clandestinement en Turquie en passant par Afrine, dans le nord-est syrien, contrôlée par l’armée turque et des supplétifs locaux. Des images diffusées par la police turque montraient la jeune femme en sweatshirt violet, visage tuméfié, après son arrestation dans la banlieue d’Istanbul avec d’autres suspects.

Selon Soylu, “l’ordre de l’attentat a été donné de Kobané”, ville du nord-est de la Syrie contrôlée par des mouvements kurdes alliés au PKK comme les YPG, les Unités de protection du peuple. Pour Ankara, les YPG et le PKK sont des mouvements “terroristes”. Mais par un communiqué, les YPG ont également “démenti catégoriquement tout lien avec Ahlam Albashir”.

Kobané est restée célèbre pour la bataille qui, en 2015, a permis aux forces kurdes soutenues par la coalition occidentale de repousser le groupe jihadiste État islamique (EI).

Dès dimanche soir, le président Recep Tayyip Erdogan et son vice-président Fuat Oktay avaient désigné “une femme” comme la responsable de l’attentat. Selon le ministre turc de la Justice, Bekir Bozdag, celle-ci “s’est assise sur un banc pendant 40 à 45 minutes et, une ou deux minutes après, il y a eu une explosion”.

Les médias turcs ont partagé l’image tirée d’une caméra de surveillance de l’avenue d’Istiklal, montrant une jeune femme en pantalon de treillis, coiffée d’un ample foulard noir, qui s’enfuit en courant dans la foule.

Tournure diplomatique

Soylu a donné un tour diplomatique à la crise lundi en affirmant que la Turquie “rejetait” les condoléances des États-Unis qui “soutiennent les terroristes” de Kobané.

Lundi, l’avenue d’Istiklal, principale artère piétonne d’Istanbul qui avait été fermée après l’explosion, était totalement rouverte au public. Mais tous les bancs de l’avenue — entièrement pavoisée lundi du drapeau rouge de la Turquie — avaient été retirés, a constaté l’AFP.

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Le PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux, dont les États-Unis et l’Union européenne, s’est rendu coupable par le passé de nombreux attentats sanglants sur le sol turc. Malgré les démentis, un haut responsable turc a indiqué à l’AFP que des éléments orientent vers “des unités au sein d’une organisation de jeunesse affiliée au PKK”.

En décembre 2016, un groupe radical proche du PKK, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), avait revendiqué un double attentat près du stade de foot de Besiktas, à Istanbul, qui avait fait 47 morts, dont 39 policiers, et 160 blessés.

Le PKK est par ailleurs au cœur d’un bras de fer entre la Suède et la Turquie qui bloque depuis mai l’entrée de Stockholm, accusé de mansuétude envers le PKK, dans l’OTAN. Ankara réclame l’extradition de plusieurs de ses membres.

L’armée turque mène régulièrement des opérations transfrontalières, dans les zones montagneuses du nord de l’Irak notamment, pour poursuivre les combattants kurdes. Le mois dernier, des accusations relayées par l’opposition et des médias pro-kurdes, démenties par les autorités, ont évoqué l’emploi d’armes chimiques contre les combattants du PKK. Ceux-ci ont publié une liste de 17 noms, accompagnés de photos de personnes présentées comme des “martyrs” tués par des gaz toxiques.