La situation est inquiétante. Bien qu’il ait souvent un ton optimiste, lors de son intervention ce mardi 5 juillet devant les députés de la première chambre du parlement, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a mis l’accent sur les multiples faiblesses du système éducatif de notre pays, mais s’est contenté d’évoquer des « solutions » déjà envisagées par son ministre de l’Education nationale, Chakib Benmoussa.
Ecole en crise
Selon le chef du gouvernement, le système éducatif vit une « crise multidimensionnelle », notamment dans les cycles du préscolaire, du primaire et du collège.
Pour Aziz Akhannouch, les faiblesses du préscolaire se résument principalement dans le manque de salles équipées et de cadres qualifiés, notamment dans le monde rural.
Quant au cycle primaire, les problèmes sont beaucoup plus nombreux, dont le taux de décrochage scolaire qui atteint des niveaux alarmants. Il s’agit de 300.000 élèves qui quittent leurs établissements scolaires chaque année, soit 7,86 % de l’ensemble des écoliers poursuivant leurs études dans ce cycle (3.814.438 en 2021).
Par ailleurs, seuls 30 % des élèves du primaire assimilent les compétences fondamentales. Au collège, ce pourcentage se réduit à 10 % seulement, ce qui aboutit à un faible rendement académique pour la majorité des écoliers, poursuit Akhannouch. « Ceci remet en question la qualité de l’enseignement », déclare-t-il.
Côté digitalisation, 29 % des élèves du monde rural ont été privés de l’accès aux cours en ligne durant la période du confinement, a indiqué le chef de l’Exécutif, en se référant au rapport de la Cour des comptes au titre des années 2019-2020. Dans le milieu urbain, ce même pourcentage était à 13 %.
« Nous sommes convaincus que la situation actuelle de l’enseignement reste en dessous des attentes de Sa Majesté et du peuple marocain », a-t-il admis.
La vision Benmoussa
Quant aux solutions proposées pour sortir de cette situation de crise, Akhannouch s’est servi de celles élaborées par le ministre de l’Education nationale — et ancien président de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) — Chakib Benmoussa, sans se référer aux différents programmes et projets de réformes adoptés avant la naissance du Nouveau modèle de développement (NMD), dont la mise en œuvre est toujours inachevée.
Ainsi, le chef de la primature s’est félicité du lancement des concertations nationales baptisées « Une école de qualité pout tous ». « C’est une preuve de l’action collective », a-t-il dit.
Pour Akahnnouch, les solutions que propose le gouvernement peuvent être résumées en quatre points majeurs :
- Feuille de route 2022-2026 : il s’agit d’un plan d’action adopté par le département de Chakib Benmoussa, couvrant le reste de cette législature, portant sur la réforme du système éducatif national. Elle repose sur trois piliers, à savoir le programme gouvernemental, la loi-cadre de l’enseignement et le Nouveau modèle de développement, élaboré par la commission présidée par le ministre lui-même.
- Accord-cadre sur la mise en œuvre du programme de formation des enseignants du primaire et du secondaire, dont le budget s’élève à quatre milliards de dirhams. Cette convention contribuera à la formation de 50.000 enseignants d’ici 2025.
- Augmentation du budget destiné au ministère de l’Education nationale. En 2022, il a atteint 62,451 milliards de dirhams, soit une hausse de 3,591 milliards par rapport à l’année précédente.
- Lutte contre le décrochage scolaire : le chef du gouvernement a promis une focalisation des efforts sur le milieu rural, notamment l’élargissement des infrastructures scolaires, les rapprocher des bénéficiaires, ainsi que l’amélioration des services de soutien social « en vue de surmonter les obstacles socio-économiques empêchant l’accès ou la continuité du parcours scolaire ».
« Visions instables »
Entre les députés, il y avait unanimité sur la nécessité de la réforme, mais pas sur les méthodes utilisées.
Saluant l’approche du gouvernement, le président du groupe istiqlalien, Abdeslam Lebbar, a indiqué que la nécessité d’une réforme « radicale fait l’unanimité de toutes les composantes de la société marocaine, de Sa Majesté au peuple ». Pourtant, les faiblesses du système éducatif ne peuvent pas être réduites au financement seulement, mais elles concernent également la confiance, la gouvernance et l’efficacité, selon ce député de la majorité.
De son côté, le Haraki M’barek Sbaîi a critiqué « l’attachement de l’Exécutif à un modèle de ‘réforme de la réforme’, hérité des différents gouvernements, depuis l’indépendance ». Pour Sbaîi, la vision de la réforme de l’enseignement au Maroc manque de stabilité. « Chaque gouvernement adopte sa propre vision de réforme négligeant celles de ses prédécesseurs », a-t-il affirmé.
Selon ce conseiller de l’opposition, cette instabilité politise un secteur aussi sensible que l’éducation.
Dans ce sens, il se demande quel est le sort de la vision stratégique 2015-2030. « Au lieu de poursuivre la mise en œuvre du projet de la vision stratégique de l’enseignement 2015-2030, adopté par le conseil des ministres, présidé par le roi, et jouissant du soutien de différents acteurs politiques, ce gouvernement a préféré négliger ce chantier et se lancer dans de nouvelles concertations qui ne font que nous faire perdre du temps politique », conclut le président du groupe du Mouvement populaire.