La décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 4 octobre est un nouveau coup dur pour le partenariat Maroc-Union européenne (UE). En confirmant l’annulation des accords scellés entre Rabat et Bruxelles dans le domaine de la pêche et de l’agriculture, la CJUE a sans doute mis un frein aux ambitions de la Commission européenne de construire une relation solide avec le Maroc. Car dans les faits, l’Europe a beaucoup plus à perdre que le royaume suite à ce nouvel épisode de guérilla judiciaire menée par le Polisario contre le Maroc.
L’annulation de l’accord agricole est peut-être un bienfait pour le Maroc et les Marocains. Avec la fin de la priorité donnée à l’export, peut-être que l’agriculture marocaine finira par servir un marché local avec des fruits et des légumes en plus grandes quantités, de meilleure qualité et moins chers. Elle pourrait permettre aussi au Maroc, qui intensifie ses efforts dans la lutte contre le stress hydrique, d’économiser ces milliers de mètres cubes d’eau exportés vers l’Europe à travers nos tomates ou nos pastèques, pour ne citer qu’elles.
Idem pour l’annulation des accords de pêche qui pourrait également bénéficier au Maroc. Le texte permettait aux bateaux européens de pêcher dans les eaux de nos provinces du Sud en contrepartie de quelques dizaines de millions d’euros. Une véritable aubaine pour l’Europe qui évite ainsi une grogne sociale de son secteur de la pêche.
Ce dernier a dû parfois recourir à des méthodes désespérées pour remplir les filets. Il n’y a qu’à poser la question aux pêcheurs espagnols qui se sont un jour aventurés, en toute illégalité, jusqu’aux eaux territoriales du Canada pour tenter de gagner leur vie. Sur le papier donc, cette annulation a des airs de bienfaits pour le Maroc et de gifle pour l’Union européenne.
Mais certaines prises de position de la Cour ont tout de même de quoi interroger. On est en droit de se demander pourquoi la CJUE s’arroge des compétences juridiques sur un territoire ne relevant pas de sa juridiction. On peut également s’interroger sur l’objectivité d’une instance qui a pris pour argent comptant les données fournies par le Polisario.
À titre d’exemple, la CJUE a pris pour acquis le chiffre de 200.000 habitants donné par le Polisario pour estimer la population des camps de Tindouf. Deux institutions sans doute plus fiables comme le Haut-commissariat aux réfugiés et la CIA les estiment à 175.000 et 100.000 respectivement. On parle bien d’estimations car, à ce jour, aucun recensement n’a pu être effectué sur le terrain suite à de multiples refus algériens. Pour les acteurs politiques de l’UE, l’urgence est de mise.
Les pays européens savent que la relation avec le royaume n’est pas une relation “à la carte” où l’on vient choisir ce que bon nous semble
Nos partenaires ont tiré les leçons de leurs précédents accrocs avec le Maroc. Ils savent que la relation avec le royaume n’est pas une relation “à la carte” où l’on vient choisir ce que bon nous semble. Une coopération renforcée dans le domaine agricole et celui de la pêche signifie aussi un partenariat accru dans le contrôle des frontières et de contention des effets secondaires de l’instabilité au Sahel… Et ce, à un moment où les pays européens sont demandeurs d’un accompagnement marocain dans une région d’où la France, mais aussi les États-Unis, se sont retirés.
“Notre pays doit aussi se préparer à une autre éventualité, inédite : il devra peut-être composer, à l’avenir, sans l’Union européenne et partir à la conquête de nouveaux marchés”
Notre diplomatie est à un carrefour. Le Maroc n’acceptera pas d’accords remettant en cause son intégrité territoriale. Car le royaume a multiplié les gages de confiance envers l’Union européenne et s’est imposé comme l’un des seuls acteurs fiables dans le sud de la Méditerranée occidentale. À Rabat, on estime qu’on est en droit d’attendre davantage d’efforts et d’implications des gouvernements européens dans la défense de la marocanité du Sahara, et on se réjouit des signaux positifs envoyés par la grande majorité des chancelleries de l’UE. Mais notre pays doit aussi se préparer à une autre éventualité, inédite : il devra peut-être composer, à l’avenir, sans l’Union européenne et partir à la conquête de nouveaux marchés. Un challenge sans doute nécessaire pour la sauvegarde de notre intégrité territoriale.