Le ministère de l’Éducation a peut-être posé les premiers jalons d’un système d’éducation publique digne de ce nom. C’est ce que semblent suggérer les résultats d’une étude menée par l’UM6P et deux centres de recherches dépendant de Harvard et du MIT. Les résultats de cette recherche sont encourageants. Et ils s’expliquent en partie par la méthode déployée par Chakib Benmoussa.
Le ministre et ses équipes ont d’abord défini le problème. Les lacunes des écoliers marocains en mathématiques, en arabe et en français sont connues de tous. Mais, contrairement à la tradition, le ministère de l’Éducation n’a pas initié une énième refonte des programmes. Cette fois-ci, il a été décidé de se concentrer sur le cœur de l’enseignement : les enseignants. Chakib Benmoussa a tenté de réformer leur statut en vue de les conforter davantage dans leur métier.
Les enseignants ont été équipés pour s’épanouir. Leur priorité a été revue. Désormais, c’est la maîtrise du programme par leurs élèves qui fait office de mètre-étalon. Jusque-là, les enseignants étaient surtout évalués par rapport à leur avancée dans le programme scolaire. Le corps enseignant a également pu bénéficier de nouvelles méthodes d’enseignement leur permettant de mettre les élèves à niveau. Des incitations financières ont été mises en place.
Le ministère de l’Éducation a ensuite testé ses solutions sur le terrain. Pendant une année scolaire, ce sont 626 écoles “pionnnières” et plus de 10.000 enseignants (tous volontaires) qui ont accepté de mettre en place les nouvelles méthodes d’enseignement prônées par le ministère de tutelle. Plus de 300.000 élèves en ont bénéficié. Depuis la rentrée 2024, 2000 écoles additionnelles ont reçu le statut d’“école pionnière”, permettant ainsi à 1,3 million d’élèves de bénéficier des nouvelles méthodes d’enseignement mises en place par le département de Chakib Benmoussa.
Puis, est venue l’heure de l’évaluation, à travers ce rapport publié le 24 septembre. Le document montre que les performances d’un élève moyen d’une école pionnière en mathématiques et en français sont meilleures que celles de 90% et 82%, respectivement, des élèves des écoles dites “normales”. En arabe, le niveau affiché par un élève moyen dans les écoles pionnières est meilleur que celui de 69% des élèves inscrits dans le reste du système public.
“En tant que soutien acharné de la privatisation des services publics, notre gouvernement a-t-il intérêt à voir réussir des projets prouvant l’utilité d’un secteur public efficace ?”
Ces nouvelles méthodes ont eu d’autres impacts. Comparés à leurs camarades des écoles publiques dites “normales”, les élèves des écoles pionnières peuvent lire en moyenne 7,4 mots de plus par minute en français et 8,8 mots en arabe. Désormais, l’enjeu pour le ministère est de généraliser cette réforme à tous les niveaux d’enseignement, de la pérenniser et de la rendre irréversible.
Définir le problème, tester les solutions et les évaluer. La méthode est simple. Au vu de son efficacité, elle gagnerait à être davantage soutenue par le gouvernement et appliquée à d’autres services publics. Mais cela ne sera probablement pas le cas. En tant que soutien acharné de la privatisation des services publics, notre gouvernement a-t-il intérêt à voir réussir des projets prouvant l’utilité d’un secteur public efficace ? La réponse est dans la question.