Après une première évaluation de l’Observatoire national du développement humain (ONDH), une nouvelle étude s’est intéressée de près à l’impact du programme des écoles pionnières, lancé dans 626 écoles primaires publiques en septembre 2023. Cette fois encore, les résultats sont encourageants.
L’étude en question a été rendue publique le 24 septembre dernier. Elle a été réalisée par le Morocco Innovation and Evaluation Lab (MEL), une initiative conjointe de l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P), du réseau de chercheurs en économie Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) et du Harvard Center for International Development.
Le MEL a pour principal objectif de promouvoir “l’utilisation de preuves scientifiques rigoureuses pour améliorer l’efficacité des politiques et programmes au Maroc et pour que la recherche soit traduite en actions concrètes, contribuant ainsi au développement à long terme du pays”. C’est dans cette optique qu’une équipe du MEL a décidé de mesurer les effets du programme des écoles pionnières.
Un contexte peu reluisant
Mais avant de s’intéresser aux résultats du programme, l’étude rappelle le contexte : “Au début des années 2000, le Maroc affichait des résultats scolaires parmi les plus faibles par rapport aux autres pays à revenu faible ou intermédiaire. Et si le Maroc a réalisé des progrès remarquables en matière d’éducation ces dernières années, les niveaux d’apprentissage des élèves du primaire du pays sont toujours alarmants.”
Une preuve parmi d’autres : sur un total de sur 57 pays évalués par le Programme international de recherche en lecture scolaire (PIRLS) 2021, les élèves de quatrième année du Maroc se classaient avant-derniers. Pire : plus de la moitié des élèves (59 %) n’avaient pas le niveau de compétence minimum.
Idem en maths. Le Maroc se classait parmi les pays les moins performants en mathématiques, sur 64 pays évalués par le TIMSS 2019 (Trends in Mathematics and Science Study), et plus de la moitié des élèves (57 %) n’avaient pas le niveau de compétence minimum. Aujourd’hui, on est loin de ce sombre tableau, notamment dans les écoles pionnières.
Remédiation ciblée
Pour résoudre le problème des très faibles niveaux d’apprentissage dans les écoles primaires publiques et réduire le décrochage scolaire, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement préscolaire et des sports a donc étudié les meilleures pratiques d’intervention, celles qui ont réussi à résoudre la crise de l’apprentissage dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire.
Le programme des écoles pionnières repose d’abord sur une pédagogie structurée, reposant notamment sur des cours scénarisés (une mise en scène des activités afin de rendre l’apprentissage efficace, agréable et porteur de sens, ndlr) et ensuite sur une remédiation (accompagnement destiné à surmonter les difficultés et combler les lacunes des enfants, ndlr) ciblée par niveau d’apprentissage des élèves, et non par classe. Il repose aussi sur la spécialisation de certains certains professeurs du primaire, affectés à l’enseignement de l’arabe, du français et des mathématiques. Les écoles qui participent avec succès au programme sont identifiées par le biais d’un système de certification de qualité.
“Bien que prometteuses, des initiatives éducatives similaires se sont avérées difficiles à mettre en œuvre, avec un impact souvent limité dans les écoles publiques. D’où l’importance de déterminer si le programme conduit effectivement à une amélioration des niveaux d’apprentissage”, explique-t-on dans l’étude.
Des “progrès importants”
Et un an après son lancement, le verdict des chercheurs est sans appel : dans les écoles pionnières, des “progrès importants” dans l’apprentissage des élèves ont été enregistrés, par rapport aux établissements “normaux”, dans les trois matières étudiées par les chercheurs : arabe, français et mathématiques. En outre, des “impacts positifs tout aussi importants ont également été observés chez les élèves qui avaient des retards d’apprentissage au lancement du programme”, soulignent les auteurs de l’étude.
Ainsi, les élèves s’expriment notamment de manière plus fluide. Les auteurs constatent une augmentation moyenne de 7,4 mots par minute en arabe et de 8,8 mots par minute en français. Le programme a aussi impacté positivement l’apprentissage des mathématiques, note l’étude: en particulier en géométrie, et des améliorations ont été enregistrées dans le domaine du calcul.
Mieux encore, les chercheurs soulignent que l’impact global du programme, tel qu’il a été mesuré, “est plus important que tout impact jamais estimé d’un programme mis en œuvre par un gouvernement” dans le monde. Et d’ajouter : “Ces résultats suggèrent qu’une intervention intégrée peut avoir des effets transformateurs sur l’apprentissage des élèves, et ce même lorsqu’un programme est mis en œuvre à grande échelle par un gouvernement, sans le soutien d’organisations externes.”
Le MEL indique que, dans un second temps, il intégrera les données sur la mise en œuvre et la participation au programme. Les résultats de cette étude devaient être, par ailleurs, diffusés lors du Forum national de l’enseignant, dont la première édition se tient les 26 et 27 septembre, à Rabat.
Il est à noter qu’en juin dernier, le gouvernement avait confirmé l’extension du programme des écoles pionnières à 2000 établissements publics supplémentaires pour cette rentrée scolaire. Sa particularité est qu’il adopte une approche d’apprentissage plus centrée sur l’élève, grâce à la méthode TaRL (Teaching at the right level : enseigner au bon niveau).
“C’est une méthode plus ludique et une approche plus positive pour l’enfant. Il y a davantage de jeux et d’interactions. L’enseignant est dans une logique d’accompagnement, l’enfant n’est pas catégorisé comme étant dans une situation d’échec”, expliquait le ministre Chakib Benmoussa à TelQuel il y a un an, en septembre 2023. Pari gagné ?