Ecoles pionnières : de "très grandes améliorations" sur l'apprentissage des élèves marocains

Selon une étude publiée cette semaine par une équipe de chercheurs, le programme des écoles pionnières, lancées en 2023 par Chakib Benmoussa, a un impact plus que "prometteur", avec des résultats dépassant largement ceux d’autres programmes similaires adoptés par d’autres pays. Les détails.

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La rentrée scolaire 2023-2024 à Rabat. Crédit: Rachid Tniouni/TelQuel

Après une première évaluation de l’Observatoire national du développement humain (ONDH), une nouvelle étude s’est intéressée de près à l’impact du programme des écoles pionnières (Pioneer School Programc-PSP, ndlr), lancées dans 626 écoles primaires publiques du Maroc en septembre 2023. Cette fois encore, les résultats sont encourageants.

L’étude en question a été rendue publique le 24 septembre dernier. Elle a été réalisée par le Morocco Innovation and Evaluation Lab (MEL), une initiative née d’une collaboration avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), le Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) et le Harvard Center for International Development. Le MEL a pour principal objectif de promouvoir « l’utilisation de preuves scientifiques rigoureuses pour améliorer l’efficacité des politiques et programmes au Maroc et pour que la recherche soit traduite en actions concrètes, contribuant ainsi au développement de long terme du pays« .

C’est dans cette optique qu’une équipe du MEL a décidé de mesurer les effets du programme des écoles pionnières au Maroc, qui s’inspire du Groupe consultatif sur les bases factuelles de l’éducation dans le monde (Global Education Evidence Advisory Panel, GEEAP) 2023 et combine deux de ses recommandations sur la manière de résoudre la crise de l’apprentissage dans les pays à revenu faible et intermédiaire, lit-on dans l’étude.

Contexte peu reluisant

Mais avant de s’intéresser aux résultats du programme, l’étude rappelle le contexte de l’éducation au Maroc qu’il y a quelques années en arrière : « Au début des années 2000, le Maroc affichait des résultats scolaires parmi les plus faibles par rapport aux autres pays à revenu faible ou intermédiaire. Bien que le Maroc ait réalisé des progrès remarquables en matière d’éducation ces dernières années, les niveaux d’apprentissage des élèves du primaire du pays sont toujours alarmant ». Une preuve parmi d’autres : dans l’évaluation du Programme international de recherche en lecture scolaire (PIRLS) 2021, les élèves de quatrième année du Maroc se classaient avant-derniers, sur un total de sur 57 pays évalués. Pire : plus de la moitié des élèves (59 %) n’atteignaient pas le niveau de compétence minimum.

De même, dans l’évaluation TIMSS (Trends in Mathematics and Science Study) 2019, le Maroc se classait parmi les pays les moins performants en mathématiques, sur 64 pays évalués, et plus de la moitié des élèves (57 %) n’atteignaient pas le niveau de compétence minimum. Cela soulève la question de ce qui peut être fait pour améliorer l’apprentissage des élèves au Maroc. Aujourd’hui, on est en loin de ce sombre tableau, notamment grâce aux écoles pionnières.

Remédiation ciblée

Pour résoudre le problème des très faibles niveaux d’apprentissage dans les écoles primaires publiques et réduire le décrochage scolaire, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement préscolaire et des sports s’est, en effet, tourné vers les données mondiales sur les meilleures pratiques d’intervention qui ont réussi à résoudre la crise mondiale de l’apprentissage qui sévit dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire, souligne-t-on.

Le programme des écoles pionnières repose d’abord sur une une pédagogie structurée, y compris des cours scénarisés et ensuite sur une remédiation ciblée, par niveau d’apprentissage des élèves, et non par classe. Il complète ces éléments du programme en affectant certains enseignants du primaire à la spécialisation dans l’enseignement de l’arabe, du français et des mathématiques et en reconnaissant les écoles qui participent avec succès au programme, par le biais d’un système de certification de qualité.

« Bien que prometteuses, des interventions éducatives similaires sont difficiles à mettre en œuvre et leurs impacts dans les écoles publiques sont souvent limités. Ainsi, la question de savoir si le programme conduirait effectivement à une amélioration des niveaux d’apprentissage était ouverte« , explique-t-on dans l’étude.

De « très grandes améliorations »

Un an après, le programme a entraîné de très grandes améliorations dans l’apprentissage des élèves. En moyenne, sur les trois matières concernées, l’impact en intention de traiter (ITT) des écoles pionnières est de 0,90 écart type (ET) de la distribution des scores par rapport aux écoles non PSP à la fin de l’étude. Par matière, l’impact du programme est de 0,52 ET en arabe, de 1,30 ET en français et de 0,93 ET en mathématiques. « Nous constatons que des impacts positifs tout aussi importants sont également observés pour les élèves dont les niveaux d’apprentissage étaient plus en retard au lancement du programme« , soulignent les auteurs de l’étude.

Concrètement, le programme a notamment permis aux élèves de s’exprimer de manière plus fluide. On constate ainsi  une augmentation moyenne de 7,4 mots par minute en arabe et de 8,8 mots par minute en français. Le programme initié au sein des écoles pionnières a aussi impacté postivement l’apprentissage des mathématiques selon l’étude. Les méthodes d’apprentissage ont eu un impact  sur les compétences en géométrie, en mesures et des améliorations ont été enregistrées dans le domaine du calcul.

Ces derniers affirment aussi que ces résultats sont « robustes » par rapport aux mesures alternatives de l’apprentissage des élèves, « y compris pour le contenu et les sous-domaines cognitifs qui ne sont pas explicitement ciblés par le programme« . Mieux encore: « À notre connaissance, l’impact global du programme de 0,9 ET est plus important que tout impact jamais estimé pour un programme mis en œuvre par un gouvernement » dans le monde, estime les mêmes auteurs. Et d’ajouter : « L’effet moyen du programme dépasse le 99e percentile des effets de traitement d’autres interventions éducatives dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Ces résultats suggèrent qu’une intervention intégrée peut avoir des effets transformateurs sur l’apprentissage des élèves, y compris lorsqu’un programme est mis en œuvre à grande échelle par un gouvernement sans le soutien d’organisations externes« .

Le MEL indique que les prochaines étapes consisteront à ajouter les données sur la fidélité de la mise en œuvre et l’adoption du programme à cette analyse. Les résultats de cette étude seront, par ailleurs, diffusés lors du Forum national de l’enseignant, dont la première édition se tient les 26 et 27 septembre, à Rabat.

Il est à noter qu’en juin dernier, le gouvernement avait confirmé l’extension du programme des écoles pionnières à 2000 établissements publics supplémentaires, et ce, dès la rentrée scolaire 2024-2025. Sa particularité est qu’il adopte une approche d’apprentissage plus centrée sur l’élève, grâce à la méthode TaRL (Teaching at the right level, Enseigner au bon niveau). « C’est une méthode plus ludique et une approche plus positive vis-à-vis de l’enfant. Il y a davantage de jeux et d’interactions. L’enseignant est dans une logique d’accompagnement, l’enfant n’est pas catégorisé comme étant dans une situation d’échec”, expliquait le ministre Chakib Benmoussa à TelQuel, il y a un an, en septembre 2023. Pari gagné ?