Un Grand Prix de F1 au Maroc, vraiment ?

Un article de nos confrères d’Atalayar a affirmé le 22 août dernier que le Maroc était en bonne voie pour accueillir prochainement un Grand Prix de Formule 1. Tanger est la ville désignée par le média. Est-ce possible ?

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Compétition de Formule E à Marrakech, en 2016. Crédit: DR

L’Afrique devrait attirer davantage notre attention.” Ce sont les mots du président de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) Mohammed Ben Sulayem, en janvier dernier. Depuis que ce dernier a pris les commandes de l’organisation (en 2021), l’éventualité que l’Afrique accueille à nouveau une étape de Grand Prix de Formule 1 (F1) est régulièrement évoquée.

En décembre 2023, Lewis Hamilton, légende vivante du sport, a ainsi exprimé son souhait de concourir une fois en Afrique avant de raccrocher son casque : “On ne peut pas ajouter des courses ailleurs et continuer d’ignorer l’Afrique. Je pense qu’organiser un Grand Prix là-bas permettrait de souligner à quel point c’est un lieu magnifique et de développer le tourisme et bien d’autres choses”.

Si l’Afrique du Sud est souvent mentionnée, un récent article du média espagnol Atalayar a révélé que  “la FIA considère le Maroc comme un hôte possible dans un avenir proche”.

Oui, mais…

Le premier problème lié à cette annonce est que l’article vers lequel renvoie Atalayar comme source de son information ne fait aucunement état d’un intérêt de la FIA pour le Maroc en particulier. Néanmoins, l’engouement de la F1 pour l’Afrique est réel. Car Liberty Media, détenteur des droits du championnat de F1, a adopté depuis plusieurs années une stratégie de démocratisation de son sport.

Dans une étude de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), on peut lire que Liberty Media tente de changer l’image “élitiste” de son sport phare : “Liberty Media semble prendre en compte la nature peu accessible de son sport, si bien que la firme américaine tente d’illustrer la F1 dans un espace médiatique plus élargi et impactant.”

Pour parvenir à attirer davantage de spectateurs, Liberty Media n’hésite pas à organiser des compétitions dans des pays qui accueillent historiquement peu les sports automobiles, comme l’Arabie saoudite, le Qatar, Bahreïn ou les Émirats. C’est également une affaire de storytelling.

À mes yeux, disputer des Grands Prix en Afrique est indispensable pour justifier l’appellation ‘Championnat du monde’. La F1 court partout… sauf en Afrique. Alors que certains pays ont plusieurs Grands Prix par saison”, explique à TelQuel Hamza Rahmani, journaliste sportif et chroniqueur dans l’émission Les Pistonnés sur la chaîne YouTube First Team Sports.

Et de remarquer que “l’intégration de la sphère politique est devenue presque indispensable pour organiser des Grands Prix”. Il en tient pour preuve qu’en France, le manque d’intérêt des pouvoirs publics pour ce sport a mené à la fin de ces compétitions dans l’Hexagone. “Le jour où le président Macron me dit qu’il veut discuter pour parler du retour de la France, je viens”, a ainsi déclaré Stefano Domenicali, le patron de la F1, dans un entretien au média français L’Équipe.

La bonne nouvelle est que le Maroc est capable de produire de tels efforts. Dans le domaine du football, des résultats tangibles ont été obtenus. “Réussir à faire avec la F1 ce que Fouzi Lekjaa réalise pour le football serait une aide bienvenue quant à l’option de l’organisation d’un GP de F1 au Maroc”, analyse Hamza Rahmani.

Et choisir le Maroc comme destination s’inscrit dans une certaine logique historique. Seuls deux circuits africains ont déjà accueilli un Grand Prix : celui d’Aïn Diab, à Casablanca, en 1958, et celui de Kyalami à Johannesburg, de 1961 à 1993. Ce dernier a souvent été évoqué  comme la future étape africaine du championnat. “En Afrique du Sud, il existe une longue histoire de sport automobile. Depuis l’année dernière, nous avons beaucoup évoqué l’idée d’un retour de la F1 à Kyalami”, a assuré Mohammed Ben Sulayem lors d’une conférence de presse en janvier 2024.

Néanmoins, il semblerait que Kyalami ait été rayé de la liste. Selon des informations de Motors Inside, la FIA aurait été sur le point de conclure un accord avec le circuit sud-africain en 2023 quand “un conflit d’intérêts” a mis fin aux négociations. “Un retour de l’Afrique du Sud au calendrier est désormais incertain”, écrit le pure player.

 

Un boulevard pour le Maroc ?

Peut-on lire dans ce revers de Johannesburg un signe que le drapeau à damier pourrait s’agiter sur un circuit à Tanger dans un futur proche ? D’abord, souligne d’emblée Hamza Rahmani, “un seul Grand Prix en Afrique ne sera évidemment pas suffisant” pour provoquer un attrait africain comparable à celui des autres continents. Entre l’Afrique du Sud, le Maroc, le Rwanda ou l’Égypte, “qu’importe le premier pays entrant en F1”, il faudrait plusieurs Grands Prix sur le continent si Liberty Media souhaite faire de l’Afrique un marché rentable.

D’autre part, n’accueille pas un Grand Prix qui veut. Il existe certaines conditions strictes, au premier rang desquelles la qualité du circuit. Pour voir défiler les pilotes du championnat de F1, une course doit être homologuée “Grade 1” par la FIA. Or, Tanger ne dispose d’aucun circuit homologué à ce grade — ni aux grades 2, 3 ou 4, d’ailleurs.

Il faudrait donc commencer par le construire. D’après nos confrères des Eco, il existe bel et bien un projet de circuit automobile à Tanger. “À l’heure où l’automobile est devenue le premier secteur exportateur au Maroc, le Circuit de Tanger valoriserait davantage les activités automobiles, en renforçant leur impact et leur visibilité sur le plan national et international”, estime Yann Moreau, le promoteur du Circuit de Tanger. Néanmoins, il précise que sur ce circuit accueillera des présentations de nouveaux modèles de véhicules, des compétitions entre marques et constructeurs automobiles et des baptêmes de piste. Le Championnat du monde de F1 est encore loin.

La piste d’un circuit hôte de Grand Prix à Tanger ne paraît pas donc sérieuse pour le moment, mais la tendance, la demande et la stratégie de la F1 semblent toutes pointer dans la même direction : l’Afrique doit accueillir des Grands Prix, et le Maroc est un des prétendants en lice.

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