À la COP28 à Dubaï de 2023 et également au Forum de Davos, la question de la mobilité durable était sur la table de discussions. Prise au sérieux depuis quelques années, elle amorce la fin des véhicules thermiques en Occident. Inscrits dans une transition douce, les véhicules alternatifs commencent à prendre leur place dans le paysage automobile occidental.
Selon une étude de l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA), les voitures électriques confirment de plus en plus leur succès. Au total, les ventes ont dépassé 1,5 million d’unités en 2023, soit une augmentation de 37% en un an.
Respectivement, les trois grands marchés où le véhicule électrique prospère sont la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Dans ces pays, les initiatives de soutien au développement de la mobilité durable ne manquent pas. Plusieurs milliers d’euros sont alloués aux acheteurs de véhicules électriques. Autre exemple, du côté de la France, précisément dans la ville de Nantes, un gigantesque projet de station de recharge totalement gratuit a été récemment lancé.
“En Europe, cette avancé dans le domaine de l’électrique est impulsée par une volonté politique ambitieuse. Et ces pays se donnent les moyens nécessaires pour traduire leurs politiques en actions”, nous confie Adil Bennani, président de l’Aivam (Association des Importateurs de Véhicules au Maroc). “Au Maroc, le marché reste atone, même si le sujet de la mobilité verte est une priorité”, compare-t-il.
Il y a une nécessité “à imaginer un système d’incentive plus volontariste qui est financé par des taxes ou des contributions des gens qui polluent”. Abordant les engagements du Maroc en termes de durabilité, il déclare: “Sachant que nous avons abrité la COP 22 et pendant laquelle nous avons pris des engagements d’envergure internationale, une feuille de route suffisamment claire s’impose où le rôle de chacun doit être défini. Je sais qu’il y a des initiatives ici et là, mais elles demeurent atones”.
Un marché qui a cherché sa voie…
“Selon notre dernière communication sur le marché de l’automobile, on peut voir que seules 463 voitures électriques ont été vendues au Maroc en 2023”, représentant moins de 0,3% de l’ensemble des ventes de l’année, constate Bennani. Un chiffre qui témoigne de l’atonie du secteur et qui traduit les habitudes d’achats de moteurs thermiques par la clientèle marocaine, et dans une moindre mesure les motorisations hybrides.
Aujourd’hui, à la différence de certains pays, le secteur fait face à des barrières qui ralentissent l’évolution du véhicule électrique. Les coûts d’acquisition de ces derniers, supérieurs de 20 ou 30% comparativement aux thermiques, ne facilitent pas la tâche.
La plupart des offres disponibles sur le marché marocain émanent des marques de luxe comme BMW i4, commercialisée à partir de 815.000 DH, ou Audi e-tron, proposée à partir de 1.050.000 DH. BYD dispose d’une offre entre 500.000 et 700.000 DH. Renault a commencé à lancer de nouveaux véhicules hybrides tournant autour de 300.000 DH.
L’autre inconvénient se situe au niveau de l’infrastructure de recharge, jugée embryonnaire. “Nous ne disposons pas d’un vaste réseau à ce jour. Et même si l’installation de bornes publiques de recharge rapide représente un investissement élevé, il faut y aller et trouver le bon modèle économique. J’estime que c’est quelque chose qui va se démocratiser, qu’on le veuille ou non. Ce serait dommage de louper le coche”, prévient Bennani.
Les recommandations de la Fédération de l’énergie
Dans une étude menée il y a quelques années, la Fédération de l’énergie, en partenariat avec Nevolys et le Groupe Sunergia, se penchait sur le marché des VE au Maroc. Pour favoriser son développement, en filigrane, les experts de cette étude préconisent la mise en place d’une prime à l’achat pour les voitures électriques (estimée à 50.000 DH) et un remboursement de la TVA à l’achat de voitures électriques pour les entreprises.
Elle recommande également de mettre en œuvre des taux préférentiels pour le financement des véhicules électriques par les organismes de financement ainsi que l’application d’offres préférentielles pour l’assurance auto de VE.
Dans le même sens, elle suggère de procéder à une prime à la casse pour le transport en commun et d’offrir des avantages à l’utilisation de véhicules électriques (gratuité péage, stationnement, exonération vignette, réduction des frais d’immatriculation, tarif d’homologation des cyclomoteurs).
Par ailleurs, en ce qui concerne la question du développement de l’infrastructure de recharge pour véhicules électriques, elle recommande le déploiement progressif d’un réseau de bornes de recharge rapide des véhicules électriques couvrant le réseau routier national, principalement au niveau des stations-service ou encore la mise en place de subventions à l’installation de bornes de recharge (estimées à 30% du coût) pour le privé.
L’Apime, porte-parole de la mobilité électrique
En 2023, plusieurs opérateurs (constructeurs, équipementiers, opérateurs de réseaux de recharge…) se sont regroupés au sein de l’Apime (Association professionnelle intersectorielle pour la mobilité électrique). L’un des objectifs étant de contribuer à la mise en place d’une infrastructure nationale de bornes de recharge.
Premier jalon : 2500 bornes en 2026. Une tâche difficile puisque l’Etat ne semble pas vouloir s’impliquer dans ce projet et laisse faire le privé. Il y a donc urgence pour que l’Apime fasse converger les intérêts parfois contradictoires des différents intervenants. Le succès de la transition vers l’électrique est à ce prix.
Revente des VE : modus operandi
Lors de la revente d’un véhicule électrique, le gestionnaire doit être très pointilleux sur l’état de la batterie. Car elle est sans doute ce qui suscite le plus d’interrogations lorsque l’on souhaite acquérir une voiture électrique d’occasion. Quelle sera l’autonomie réelle du véhicule convoité ? Combien de temps sa batterie pourra-t-elle encore tenir ?
Et aujourd’hui, face à cette tâche complexe, en Europe par exemple, certaines entreprises ont fait de ce volet leur domaine d’activité. Elles proposent ainsi au gestionnaire l’évaluation de l’état d’usure de la batterie ainsi que la mise à disposition d’un certificat permettant d’attester cet état.
En clair, le certificat fourni donne un indice exprimé en pourcentage, le SOH (State of Health – État de santé), qui exprime l’état de santé de la batterie. Ce certificat permet donc aux potentiels acheteurs de connaître l’état réel de la batterie du véhicule et de bénéficier d’une certaine garantie quant à son autonomie. Tandis que, du côté des vendeurs, il représente un argument de vente non négligeable.