Voilà, la saison 2022-2023 s’achève. L’actualité nationale et internationale des douze derniers mois n’a pas été un long fleuve tranquille. Entre une inflation déchaînée qui a taillé des croupières dans le pouvoir d’achat des citoyens et sa gestion mi-figue mi-raisin par le gouvernement, les Marocains n’ont pas eu la vie facile.
À TelQuel, nous avons étroitement suivi les soubresauts de cette crise et ses répercussions sur les citoyens. Nous avons dénoncé la greed-inflation qui s’est très vite diffusée à l’organisme Maroc à cause d’un effet d’aubaine, copieusement exploité par la grande distribution et les intermédiaires. Certes, entretemps, l’inflation s’est stabilisée à 5,5%, mais que de dégâts subis par les Marocains, dont l’appauvrissement a été dûment documenté par le HCP.
Plus globalement, durant la saison écoulée, TelQuel s’est recentré sur ses fondamentaux : l’enquête, les grandes interviews et les sujets sociétaux. Nous sommes fiers d’avoir introduit la notion de “féminicide” dans le débat public. Ce crime longtemps tu dans notre pays où la culture du patriarcat demeure dominante. Nous tirons également de la fierté d’avoir dénoncé les conditions parfois toxiques dans lesquelles évoluent nos jeunes médecins internes dans les CHU.
Toujours du côté du dominé et de l’opprimé, TelQuel continue de s’insurger contre les passe-droits, les privilèges de classe et le népotisme dans toutes ses expressions. Ainsi, nos révélations au sujet des nominations aux postes de responsabilités au sein de la CGEM ont touché une corde sensible chez nos lecteurs. Vous avez été des milliers à réagir à ce sujet. Nos prises de position autour de la nécessité d’imposer une discrimination positive en entreprise et dans les écoles privées au profit des Marocains de condition modeste ont, là aussi, rencontré une adhésion massive de la part d’un vaste lectorat, horripilé par les injustices et les inégalités dont notre pays est tout sauf débarrassé.
Parallèlement, TelQuel a enchaîné les enquêtes exclusives, dévoilant les entourloupes de 1xbet, une plateforme de paris en ligne opérant illégalement dans le royaume. Nous avons également révélé les dysfonctionnements d’une banque importante de la place, la BMCI, autrefois fleuron de l’industrie financière. Nous avons été les premiers à livrer les détails du projet Neo Motors qui ambitionne de doter le Maroc de sa première voiture 100% marocaine. Et ce, bien avant que cette initiative industrielle ne soit adoubée par le roi Mohammed VI himself.
Grâce au dynamisme de notre équipe éditoriale nous avons pu décrocher de grandes interviews en exclusivité. À l’instar de celle d’Eric Ciotti et Rachida Dati, deux menhirs de la droite gaulliste française qui, depuis chez nous, ont reconnu officiellement la marocanité du Sahara. Nous avons également été les premiers à faire réagir le nouvel ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, sur les relations crispées entre l’Hexagone et le royaume. Ses déclarations autour de la résolution anti-marocaine du parlement européen ont fait le tour des rédactions mondiales. Le premier ministre néerlandais Mark Rutte a lui aussi répondu à nos questions lors de son bref passage au Maroc au mois de juillet.
“Sur les trois derniers mois, nos audiences digitales ont presque doublé (…) Mais ces succès sont, hélas, flétris par la trop grande faiblesse du marché publicitaire”
À TelQuel, nous n’avons jamais prix prétexte de cette crise qui déroule son voile sinistre sur le secteur de la presse pour abandonner le combat. Bien au contraire, contre mauvaise fortune bon cœur, nous avons continué à tracer notre sillon avec rigueur et déontologie. Nous savons d’ailleurs gré à nos lecteurs de nous en avoir récompensés. Sur les trois derniers mois, nos audiences digitales ont presque doublé et nos ventes print se sont stabilisées malgré une forte érosion générale de la presse papier. Mais ces succès sont, hélas, flétris par la trop grande faiblesse du marché publicitaire.
“L’équation est simple, plus les GAFAM grossissent, plus les médias nationaux s’affaiblissent”
Se détournant des principaux supports médias, les grands annonceurs s’adressent en priorité aux GAFAM pour promouvoir leurs produits et services. Ces plateformes numériques, à l’instar de Google, ont siphonné les recettes publicitaires des médias nationaux, alors qu’elles ne versent pas un seul dirham au fisc marocain. Si en Europe et aux Etats-Unis notamment, des formules de reversement de revenus et de droits voisins s’appliquent à des géants comme Facebook et Google, au Maroc, rien de tel. L’équation est simple, plus les GAFAM grossissent, plus les médias nationaux s’affaiblissent.
L’État, on lui en sait gré, a pendant longtemps soutenu la profession, mais ce soutien touche désormais à sa fin et l’avenir prend hélas des allures de saut dans l’inconnu. Fort heureusement, des perspectives d’investissement dans les médias papier et digitaux se dessinent avec plus ou moins de clarté. Ils permettront de soutenir la lutte pour la survie puis, éventuellement, de nourrir l’ambition de développement des titres les plus sérieux.
Nous formulons le vœu qu’ils interviennent dans des délais permettant aux médias de qualité de poursuivre leur mission : informer, éveiller les consciences, aboutir à un Maroc démocratique, social et plus juste. Un Maroc qui tend vers l’égalité des genres et le respect de la dignité de tous. Telles sont au fond les valeurs que défend TelQuel et qu’il continuera à brandir, quel qu’en soit le prix. Merci à vous chers lecteurs, bonnes vacances et rendez-vous en septembre.