Tête à tête à l'Élysée entre Macron et le prince héritier saoudien MBS

Le président français Emmanuel Macron a accueilli vendredi à Paris le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, pour un déjeuner de travail avec au menu quelques grands sujets internationaux : de la guerre en Ukraine à l'Iran, en passant par la crise libanaise et la Syrie.

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MBS, reçu par le président français Emmanuel Macron à l'Élysée, le 10 avril 2018. Crédit: AFP

Ni Emmanuel Macron ni « MBS », le surnom du jeune (37 ans) dirigeant de facto du riche royaume pétrolier n’ont fait de commentaires.

La présidence française avait évoqué plus tôt « un déjeuner en tête à tête », avec pour objectif de « donner des perspectives bilatérales et étudier les grands dossiers du moment, qu’ils soient régionaux ou qu’il s’agisse de l’Ukraine ».

C’est la deuxième visite du prince, après celle de juillet 2022, qui avait suscité l’indignation des défenseurs des droits humains et de la gauche française.

MBS revenait alors à Paris pour la première fois depuis l’assassinat en 2018 en Turquie du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, imputé au prince héritier notamment par le renseignement américain, et qui lui vaut une réputation sulfureuse en Occident.

Emmanuel Macron tente actuellement de convaincre les pays émergents de condamner l’invasion russe de l’Ukraine.

Il devait souligner « à quel point la question de l’Ukraine est importante » dans le monde entier et « comment l’Arabie saoudite peut exercer son influence, y compris sur la Russie », a indiqué la présidence avant le déjeuner.

« La rencontre est importante pour les deux côtés dans un contexte international et moyen-oriental mouvant », souligne Ziad Majed, professeur à l’université américaine de Paris.

La France, « seul acteur occidental qui préserve des liens avec l’Iran tout en étant un allié des monarchies du Golfe », s’efforce « depuis un moment » de revenir sur la scène moyen-orientale, explique-t-il à l’AFP.

MBS s’est, lui, clairement positionné comme soutenant un ordre et une stabilité régional, même si cela passe par « l’étouffement de la contestation », ajoute le professeur.

En témoigne le sort de sept jeunes Saoudiens, condamnés à mort pour « de soi-disant crimes » commis quand ils étaient mineurs, selon Amnesty international. Le plus jeune avait, selon l’ONG, 12 ans au moment des faits.

Pour la secrétaire générale d’Amnesty France Agnès Callamard, Emmanuel Macron doit « tout faire » pour leur sauver la vie. L’Elysée rappelle à cet égard que la France est opposée en toutes circonstances à la peine de mort.

La cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna déjeunait de son côté avec son homologue et d’autres ministres saoudiens à l’Elysée.

Jean-Yves Le Drian, le nouvel envoyé spécial d’Emmanuel Macron pour le Liban, n’était pas présent mais la situation du pays du Cèdre devait être évoquée après le nouvel échec mercredi du Parlement libanais à élire un président.

Ryad conserve une influence majeure au Liban, de même que l’Iran. Emmanuel Macron va pousser les Saoudiens « à engager la conversation avec les Iraniens et avec d’autres, pour créer des conditions favorables à l’élection d’un président » libanais, explique-t-on à l’Elysée.

L’Arabie Saoudite est aussi le pays qui, avec les autres monarchies du Golfe, peut soutenir financièrement le Liban plongé dans une crise historique alors que les Européens sont focalisés sur l’Ukraine.

Pour Amnesty international, il est « absolument contreproductif » de solliciter Ryad. « Ce n’est pas parce qu’ils ont de l’argent que l’on peut leur demander de s’investir dans un pays dont ils ont kidnappé le Premier ministre », estime Agnès Callamard.

En 2017, le Premier ministre Saad Hariri avait annoncé sa démission depuis Ryad, accusée par la classe politique libanaise de le retenir en otage. Une intervention de la France l’avait sorti d’affaires.

Autre sujet brûlant, l’Iran. « Nous souhaitons connaître l’évaluation du prince héritier sur l’intensité de la menace iranienne (…) et comment il entend s’y prendre avec les Iraniens », explique la présidence.

Ahmed Benchemsi, de l’ONG Human Rights Watch, déplore lui aussi la tenue de cette visite.

« Je trouve regrettable de serrer la main d’un dirigeant dont la responsabilité dans l’assassinat barbare d’un journaliste a été démontrée, en faisant comme si de rien n’était », a-t-il estimé.

MBS prévoit de rester longtemps en France où il possède plusieurs demeures, dont un somptueux château à Louveciennes, près de Paris.

Il entend notamment défendre les intérêts économiques du Royaume et pousser sa candidature à l’exposition universelle de 2030, soutenue par Paris. Il assistera à la réception officielle de présentation de candidature.

Il participera aussi les 22 et 23 juin au sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé par l’Élysée.

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