Quarante-six ans après la Marche verte, la cause nationale n’est toujours pas “à négocier” et, “aujourd’hui, comme dans le passé”, la marocanité du Sahara “ne sera jamais à l’ordre du jour d’une quelconque tractation”. Ce samedi 6 novembre, dans son discours annuel commémorant l’événement de novembre 1975, Mohammed VI a écarté tout recul sur le sujet. La marocanité du territoire en question est “une vérité aussi pérenne qu’immuable” qui ne “souffre, de ce fait, aucune contestation”.
Une parole très attendue dans le contexte trouble que connaît la région au vu des développements régionaux, la commémoration de la Marche verte coïncidant cette année avec une escalade de tensions entre le Maroc et le voisin algérien. Après avoir rompu ses relations diplomatiques avec le royaume, Alger n’a pas reconduit le contrat du gazoduc Maghreb-Europe, transitant par un Maroc accusé d’avoir bombardé un convoi de camions algériens la semaine dernière.
“Caractère irréversible”
Dans ce contexte, le discours est teinté, cette année, d’une forte couleur internationale. D’emblée, il ressort que l’Algérie n’est nullement mentionnée dans l’allocution. Un non-dit en guise de réponse en soi. Le roi ancre ainsi le caractère uniquement marocain de la question, mais écarte également toute volonté marocaine de contribuer à l’escalade.
Une constante lors des dernières sorties de Mohammed VI. Après avoir tendu la main au voisin et rival régional à l’occasion du discours du Trône, le roi s’était montré bien plus ferme envers les partenaires européens lors du discours de la Révolution du roi et du peuple, le 20 août, qu’envers le voisin algérien alors que le contexte se dégradait déjà.
“Si nous engageons des négociations, c’est essentiellement pour parvenir à un règlement pacifique de ce conflit régional artificiel”
Si l’Algérie est considérée par Rabat comme partie prenante dans le conflit, les Nations unies demeurent le seul interlocuteur auquel le Maroc souhaite s’adresser pour tendre vers une résolution. Quelques jours après que le Maroc est sorti conforté de la dernière résolution du Conseil de sécurité, le roi réaffirme ainsi son “soutien” au processus onusien et détaille les raisons de cet attachement : “Si nous engageons des négociations, c’est essentiellement pour parvenir à un règlement pacifique de ce conflit régional artificiel.” Une manière de souligner le “caractère irréversible” du processus politique “en marche”, en référence à l’Initiative d’autonomie, sous souveraineté marocaine.
L’allocution fait aussi la part belle aux différentes percées telles que l’ouverture de consulats étrangers dans les villes de Laâyoune et Dakhla, qui “confirme le large soutien dont bénéficie la position marocaine”, notamment dans son “environnement arabo-africain”.
Fin de partie pour les “positions floues ou ambivalentes” ?
Le monarque est également revenu sur la reconnaissance de souveraineté du Maroc sur le Sahara scellée par Washington le 10 décembre 2020, sous l’ère Trump. À la fois “sujet de fierté”, la décision est, pour le roi, “le corollaire naturel de l’appui constant des administrations américaines antérieures et l’illustration de leur apport constructif au processus”.
La juxtaposition de ses appuis constitue alors “la meilleure réponse juridique et diplomatique à ceux qui prétendent que la reconnaissance de la marocanité du Sahara n’a pas de visibilité franche et concrète sur le terrain”. L’occasion de confirmer à nouveau le tournant offensif dans la doctrine marocaine. Fait saillant du discours, le roi indique que le Maroc n’engagera aucune démarche d’ordre économique ou commercial qui exclurait le Sahara marocain, notamment à “ceux qui affichent des positions floues ou ambivalentes”.
Déjà visés à l’occasion du discours du 20 août, les pays de l’Union européenne semblent directement concernés. Une référence en sous-texte à la décision du tribunal de l’UE, fin septembre, d’invalider deux dispositions commerciales : les préférences tarifaires accordées par l’UE aux produits d’origine marocaine et l’accord de partenariat de pêche.
Une décision au motif que les “accords litigieux”, qui s’appliquent “explicitement” au Sahara et ses eaux adjacentes, “affectent le peuple de ce territoire et impliquaient de recueillir le consentement” du Front Polisario “reconnu sur le plan international en tant que représentant du peuple du Sahara”, détaille l’arrêté.
Le roi y répond en enjoignant l’entité à suivre la voie tracée par “d’autres partenaires internationaux”, tels que les États-Unis ou Israël qui, “en toute clarté et en toute transparence, investissent aux côtés du secteur privé national et contribuent ainsi au bien-être de la population”.