Depuis l’annonce de sa mise en place, le 18 octobre en toute fin d’après-midi, le pass vaccinal n’en finit plus de faire polémique. Dans l’air depuis plusieurs semaines, le gouvernement a conditionné les déplacements entres villes et régions, ainsi que l’accès aux différents services publics et lieux non essentiels à la présentation de ce document, dont le QR code justifie que tel usager s’est bien fait vacciné, et à quelle dose.
Pour son premier week-end d’application, l’initiative portée par le gouvernement s’est heurtée à une vive contestation. De la rue d’abord, où plusieurs grappes d’opposants à la mesure, jugée “liberticide”, se sont donné rendez-vous dans plusieurs villes du royaume, notamment à Marrakech, Casablanca et Rabat, ce dimanche 24 octobre.
Dans la capitale, c’est derrière des slogans “Non au pass vaccinal”, scandés sur l’avenue Mohammed-V et près du Parlement, que la foule s’était réunie à l’occasion d’un sit-in. Le rassemblement a été dispersé par les forces de l’ordre et différentes sources médiatiques rapportent que des arrestations ont eu lieu.
Ce lundi 25 octobre, un communiqué du gouvernement saluait néanmoins la forte affluence dans les centres de vaccination : “Suite à l’opérationnalisation de la nouvelle démarche préventive basée sur l’adoption du pass vaccinal comme document essentiel de déplacement, le gouvernement salue la grande adhésion des citoyennes et citoyens ayant répondu à cet appel national, et se sont engagés massivement dans la campagne nationale de vaccination contre le nouveau coronavirus.”
Résistances
“Depuis deux semaines, on assiste à une augmentation de la vaccination dans les structures dédiées, mais ça se bouscule depuis l’annonce du pass vaccinal”, soufflait effectivement une source à TelQuel en fin de semaine dernière. Comme constaté par Medias24, près de 236.000 injections ont été administrées le samedi 23 octobre. Dans un communiqué, le ministère à annoncé qu’à compter de ce lundi 25 octobre, les citoyens ayant reçu la première dose du vaccin obtiendraient un pass provisoire à télécharger sur la plateforme dédiée.
Reste que l’annonce de la mesure est aussi soudaine que lacunaire pour certains cercles associatifs, professionnels et politiques. Et les professionnels de santé ne font pas exception. Ce 25 octobre, 351 techniciens issus de différentes spécialités ont adressé une lettre ouverte aux principales autorités sanitaires. Parmi les destinataires : le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, mais aussi le professeur Tahar Alaoui, membre du Comité technique et scientifique consultatif de vaccination, Saïd Afif, membre du comité, ou encore Hassan Afilal, président de la Société marocaine de pédiatrie.
“Le pass vaccinal donne une sécurité illusoire et devient même dangereux, en poussant la population à ne plus respecter les mesures de protection individuelle et collective”
Dans leur missive, dont TelQuel détient copie, les professionnels de la santé tirent “la sonnette d’alarme” contre des mesures “restrictives, anticonstitutionnelles et sans aucun fondement scientifique”. L’occasion pour eux de demander l’annulation du pass vaccinal pour le Covid-19 “comme pour toute maladie curable”, mais également d’appeler au respect de la liberté de choix concernant la vaccination et à l’arrêt des injections pour les mineurs.
Documenté et argumenté, le courrier vise à tempérer les mesures prises en avançant des arguments sur le manque de recul face à des vaccins encore en phase d’essais cliniques, et sur l’efficacité relative des vaccins : “Le pass vaccinal donne une sécurité illusoire et devient même dangereux, en poussant la population à ne plus respecter les mesures de protection individuelle et collective.” Ce collectif de professionnels de la santé et scientifiques affirme ainsi que cette loi ne bénéficie ni du principe de proportionnalité, ni de justifications sanitaires.
À travers leur fédération nationale, les patrons de cafés et autres restaurants avaient également dénoncé, le 20 octobre, une mesure poussant à la “discrimination” et aux “querelles entre clients”. “L’immunité collective ne doit pas se faire au détriment des professionnels et de leurs moyens de subsistance”, pointait le communiqué de la fédération qui regroupe près de 30.000 propriétaires de cafés et restaurants.
Le sujet s’invite au Parlement
L’aspect juridique n’est pas en reste. Ce week-end, c’était à l’Ordre des avocats du Maroc de monter au créneau sur une mesure qui “soulève de nombreux problèmes juridiques et de droit”, et d’appeler à l’“annulation de cette décision soudaine, qui contredit le principe de vaccination non obligatoire”, notamment appuyé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
“Il n’y a aucune urgence au vu de l’amélioration de la situation épidémiologique dans le pays”
Pour l’Ordre, le contexte d’État d’urgence, en vigueur au Maroc depuis mars 2020, “ne doit pas justifier l’adoption de décisions comportant le retrait des acquis en matière de droits humains”. D’autant, estime-ils, qu’“il n’y a aucune urgence au vu de l’amélioration de la situation épidémiologique dans le pays”.
En cause : des entraves aux droits constitutionnels des citoyens, notamment les obstructions d’accès aux espaces et services publics. Également mise sur la table par les bâtonniers, la licéité du contrôle des pass.
Pour l’heure, la mise en pratique du processus contrôle apparaît encore très brouillonne. Les centres commerciaux et un grand nombre d’enseignes ont commencé, dès jeudi, à contrôler, de visu, la possession de pass par les usagers. De même pour les restaurants et autres débits de boissons alcoolisées, là où pour les cafés, la mesure semble plus éparse.
Ce lundi 25 octobre, dans l’après-midi, le sujet du pass vaccinal sera débattu à la Chambre des représentants, à l’occasion d’une séance dédiée aux questions orales au ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb.