1. Quelles élections pour le 8 septembre ?
Il n’y aura pas une, mais trois élections distinctes le mercredi 8 septembre 2021. Législatives, communales, régionales… chacune dispose de ses propres listes. Elles permettront de renouveler respectivement les 395 sièges de la Chambre des représentants, les 31 503 sièges des 1538 conseils communaux, ainsi que les 678 sièges des 12 conseils régionaux du territoire.
La plus déterminante de ces trois élections est sûrement celle des législatives. Le scrutin définira la carte politique des cinq prochaines années. À la clé, la formation d’un nouveau gouvernement dirigé par le parti arrivé en tête. Ce seront aussi les cinquièmes législatives du règne de Mohammed VI, les troisièmes après la promulgation de la Constitution de 2011.
S’agissant des communales, les 256 conseils urbains et 1282 ruraux renouvelés devront élire leurs nouveaux présidents, issus des coalitions que formeront les partis après l’annonce des résultats. Idem pour l’élection des 12 nouveaux présidents des conseils régionaux.
2. Pourquoi 2021 est une année électorale par excellence ?
C’est l’année de toutes les élections. Une première dans l’histoire du pays. Entre les 10 et 20 juin 2021, les élections professionnelles ont replacé l’UMT en tant que syndicat le plus représentatif avec 15,48% des délégués. La centrale est suivie par l’UGTM (proche de l’Istiqlal, 12,56%), la CDT (7,20%), l’UNTM (proche du PJD, 5,63%), la FDT (2,79%) et l’ODT (1,18%). La majorité absolue revient néanmoins aux délégués sans appartenance syndicale (51,35%).
Le 6 août, les élections des Chambres professionnelles ont donné le RNI vainqueur (28,61%). Le PAM (16,28%), l’Istiqlal (16,14%), le MP (7,17%), l’USFP (6,55%), l’UC (4,04%), le PPS (3,68%) et le PJD (2,20%) ont complété le tableau. Les candidats sans appartenance politique ont totalisé 12,15%, tandis que les 23 autres partis en course ont récolté 3,18% des suffrages.
Après le rendez-vous du 8 septembre, les élections préfectorales et provinciales se tiendront le 21 du même mois. L’année électorale se clôturera avec les élections de la Chambre des conseillers le 5 octobre. Dans ce dernier suffrage indirect, l’électorat sera composé des élus locaux, régionaux, syndicaux et professionnels.
3. Qui y participe ? Et qui boycotte ?
Il y aura des candidats de 31 partis. Les 8 principaux protagonistes (PJD, PAM, Istiqlal, RNI, MP, UC, USFP et PPS) ont présenté des listes électorales couvrant toutes les circonscriptions. Côté FGD, la coalition a vu se détacher le PSU, qui a présenté ses propres candidats. Le MDS de Abdessamad Archane et le PML d’Isaac Charia capitalisent leurs chances sur quelques localités.
Nettement moins présents sur la scène politique, quelque 20 autres partis n’ont pas eu la capacité de couvrir l’ensemble du territoire.
“Le boycott est l’expression de l’aspiration populaire à un changement radical”
Côté abstentionnistes, Annahj Addimocrati persiste et signe. “Le boycott est l’expression de l’aspiration populaire à un changement radical”, a considéré le parti dans un communiqué le 19 août. Al Adl Wal Ihsane n’a pas non plus changé sa position. Sur son site, la Jamaâ propose une vidéo où ses principaux dirigeants s’expliquent sur le sujet.
Refusant jusque-là toute incursion dans le champ politique, des figures du mouvement culturel amazigh vont disputer des élections pour la première fois. Un “front d’action politique” est né dans ce mouvement. Ses partisans ont ainsi rejoint le RNI et le MP. Les pourparlers afin de rejoindre le PAM et le PPS n’ont pas abouti.
4. Quels dirigeants en tête d’affiche ?
Contrairement à 2016, un plus grand nombre de chefs de parti ont décidé de se présenter aux élections. Il y a cinq ans, seuls Abdelilah Benkirane (PJD, Salé) et Hamid Chabat (Istiqlal, Fès-nord) avaient battu campagne avec succès aux législatives. Mohand Laenser (MP) s’était également présenté aux régionales de Fès-Meknès en l’emportant, contrairement à Nabila Mounib (FGD), défaite à Casablanca-Settat.
Cette année, sept chefs de parti seront en tête de liste. Au PJD, Saâd-Eddine El Othmani est bien candidat aux législatives à Rabat-Océan. Il y affrontera notamment Nabil Benabdallah (PPS). Abdellatif Ouahbi du PAM défendra son siège de député de Taroudant. L’Istiqlalien Nizar Baraka sera à Larache où il a été élu député en 2007.
Au RNI, Aziz Akhannouch vise la mairie d’Agadir. Mohand Laenser du MP compte briguer un second mandat à Fès-Meknès. Côté UC, Mohamed Sajid est candidat aux régionales de Casablanca-Settat, tout comme Nabila Mounib (PSU).
Parmi ces cadors, seul le chef de l’USFP, Driss Lachgar, a confirmé qu’il ne présentera pas sa candidature aux échéances du 8 septembre.
5. Pour quel mode de scrutin ?
Sur les 395 sièges à renouveler à la Chambre des représentants, 305 seront issus des 92 circonscriptions dites “ordinaires”. Ces dernières pourvoiront 2 à 6 sièges, en fonction de leur taille.
Les 90 sièges restants proviendront d’une circonscription dite “nationale”. Elle comprend elle-même 60 sièges réservés aux femmes, et 30 aux moins de 40 ans, dont une moitié d’hommes et l’autre de femmes.
La répartition des 395 sièges s’opérera selon la règle de la plus forte moyenne à toutes les listes ayant franchi le seuil électoral. Il est de 6% dans les circonscriptions “ordinaires”, 3% pour la “nationale”.
6. Quelles restrictions imposées par la pandémie ?
La campagne électorale a débuté le 26 août. Elle s’étalera jusqu’au 7 septembre. Le 24 août, le ministère de l’Intérieur a annoncé des mesures de précaution dans le cadre de la lutte anti-Covid. Les candidats sont ainsi appelés à ne pas dépasser 25 personnes dans leurs meetings, et à ne pas en organiser dans des espaces connaissant une surpopulation.
Le ministère leur a aussi interdit d’installer des tentes ou des stands dans les espaces publics, et d’organiser les traditionnels festins. Le tout, sans devoir dépasser les 10 personnes dans leurs activités de terrain. En termes de mobilité, seulement cinq voitures sont autorisées par convoi, avec obligation d’informer l’autorité locale de l’horaire et l’itinéraire.
Fait nouveau pour cette campagne, aucune distribution de tracts n’est autorisée
Autre fait nouveau pour cette campagne, aucune distribution de tracts n’est autorisée, ni dans les rues, ni dans les domiciles. Les candidats pourront seulement afficher leurs prospectus dans les lieux publics, en évitant strictement d’en distribuer de la main à la main.
7. Comment les partis comptent-ils s’adapter ?
L’ère des campagnes électorales dans leur forme traditionnelle est résolument révolue. La situation épidémiologique est derrière cette transformation forcée.
En la matière, les mesures prises par l’Intérieur ont ouvert la porte à une campagne plus axée sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Certaines écuries politiques s’appuient sur leurs équipes de communication interne, tandis que d’autres font appel aux agences de publicité et de marketing.
Pour relayer leurs discours et autres réunions restreintes, les candidats ont dû revoir leurs stratégies de communication. Le recours aux techniques de visioconférence fait figure de bouée de sauvetage. Toutes les modalités d’organisation liées à la campagne électorale se trouvent ainsi compromises, afin de se conformer aux mesures anti-Covid.
8. Quelle masse votante ?
Les statistiques fournies par le ministère de l’Intérieur rapportent l’ajout de 2,28 millions de nouveaux inscrits par rapport à 2016
17,9 millions de citoyens sont officiellement appelés à voter le 8 septembre. Les statistiques fournies par le ministère de l’Intérieur sur un site dédié aux élections rapportent l’ajout de 2,28 millions de nouveaux inscrits par rapport à 2016. La majeure partie de ces nouveaux inscrits sont des jeunes de 18 à 24 ans. Ils constituent 8% du total des électeurs. Ce sera une première pour la plupart d’entre eux.
9. Quelles nouveautés apportées à la loi électorale ?
Aucun élu n’aura désormais le droit de combiner sa fonction de député et celle de maire d’une ville de plus 300.000 habitants
Six projets de lois relatives aux élections de 2021 ont été votés au parlement en début d’année. En matière de cumul des mandats, aucun élu n’aura désormais le droit de combiner sa fonction de député et celle de maire d’une ville de plus 300.000 habitants. Ceci exclura de la députation les maires des grandes métropoles qui auront à se focaliser soit sur le parlement, soit sur leur ville.
Sur le déroulement de la campagne, il a été convenu de lever l’interdiction de l’utilisation de certains symboles dits “nationaux”. Dans le passé, cette disposition entraînait la révocation de certains élus. Toutefois, cette levée d’interdiction ne concerne que la récitation de l’hymne national et l’affichage de la photo officielle du roi. Cette dernière doit en revanche impérativement être “installée dans les salles accueillant les réunions liées à la campagne électorale”.
Mais c’est la question du quotient électoral qui a cristallisé toutes les tensions.Un paramètre technique qui a divisé la classe politique avec le PJD d’un côté, et tous les autres partis de l’autre. Les islamistes ont tenté de rejeter le calcul de ce quotient sur la base du nombre total de personnes inscrites sur les listes électorales. En vain, le PJD préférait un calcul sur la base du nombre d’électeurs présents aux bureaux de vote.
Il y a également eu révision du nombre des communes soumises au mode de scrutin de liste. Le nombre d’habitants requis pour l’application du scrutin de liste a été porté de 35.000 habitants actuellement à plus de 50.000.
10. À combien s’élève le coût des élections ?
Signé le 26 mai, un décret du Chef du gouvernement a fixé le montant total de la contribution de l’État aux législatives du 8 septembre à 160 millions de dirhams.
Le document officiel a également précisé que le montant total de la contribution de l’État au financement des campagnes électorales menées par les partis politiques participant aux communales et régionales est de 180 millions de dirhams : 100 millions de dirhams sont destinés aux communales, tandis que les 80 millions restants reviennent au financement des régionales.