Notre pays peut encore et encore s’enorgueillir d’avoir transcrit dans le marbre de sa constitution un nouveau et quatrième pilier, le choix démocratique. C’est là un vecteur général, un guide pour nous tous, pour se ranger systématiquement et à tous les niveaux, du côté de la démocratie et de ses dispositions.
Cette transcription constitutionnelle, qui semblerait être une évidence, était pourtant une nécessité pour notre jeune expérience démocratique, qui avait et a encore besoin de se confirmer, de se solidifier et s’immuniser. C’est certainement par l’alignement systématique du côté du choix démocratique et de son esprit que nous pourrions, progressivement, passer de l’état de transition démocratique à l’état de démocratie accomplie.
Lois électorales, notre modèle démocratique à la croisée des chemins
Dans ce sens, notre pays vit aujourd’hui un moment crucial, celui du renouveau de ses institutions représentatives à l’occasion des prochaines élections générales. À cet effet, l’arsenal législatif électoral est en cours de finalisation. Lors du dernier conseil des ministres présidé par le roi, les principaux textes de lois organiques relatifs aux prochaines échéances ont été approuvés. Ils représentent un certain niveau de consensus entre les différents partis politiques sur les principales améliorations à apporter à l’arsenal juridique électoral en cours, après des mois de négociations et de discussions.
On pourrait citer à cet effet le non cumul des mandats de député et de président de commune de plus de 300.000 habitants, l’amélioration de la représentativité des femmes, le renforcement du soutien financier accordé aux partis politiques, la moralisation des opérations électorales et le renforcement de la transparence financière des campagnes électorales des candidats.
« Certaines parties œuvrent pour imposer à ce niveau un mode de calcul contraire à toute logique démocratique »
À côté de ces avancées, qui certes représentent un palier important sur la voie de la réussite de ce prochain test démocratique pour le pays, reste toutefois un point de divergence focal entre les forces politiques : celui du mode de calcul du quotient électoral. Loin des bonnes pratiques appliquées dans tous les pays du monde sans exception, certaines parties œuvrent pour imposer à ce niveau un mode de calcul contraire à toute logique démocratique, et qui couronnerait un long processus de déstabilisation, de blocage et de tentatives de renversement de tendance et de régression dans les efforts de notre pays à réussir sa transition démocratique.
Quotient électoral sur la base du nombre d’électeurs, une absurdité inique
Notre démocratie encourt aujourd’hui un risque réel face à ce stratagème qui consisterait à départager les sièges remportés non pas par le calcul d’un quotient électoral basé sur le nombre de votants réels, mais bien sur celui de l’ensemble des inscrits sur les listes électorales. Une absurdité électorale et politique totale.
Face à la tentation forte que cette manipulation électorale semble susciter au sein d’une partie de la classe politique, qu’il faut rappeler à la responsabilité, et face au monde entier qui n’a cessé d’applaudir le modèle et l’exception démocratique marocaine depuis le printemps arabe, et qui nous regarde aujourd’hui avec espoir pour certains et jalousie pour d’autres, la classe politique entière est appelée à faire des prochaines échéances électorales un moment de confirmation démocratique. Cela ne peut se réaliser que par des élections transparentes, basées sur le suffrage libre et sincère (article 3 de la constitution), et par le refus de toute manipulation visant à vider notre système électoral, et politique par conséquence, de sa substance, de sens et de sa crédibilité.
« Dans son article 30, la constitution distingue bien entre le statut d’électeur et d’éligibilité d’un côté, et le vote, droit personnel et devoir national de l’autre. »
Dans son article 30, la constitution distingue bien entre le statut d’électeur et d’éligibilité d’un côté, et le vote, droit personnel et devoir national de l’autre. Parce qu’en effet, dans l’esprit de la constitution, c’est le vote qui exprime la volonté de la nation, principe confirmé dès l’article 2 de la charte suprême, qui stipule que « la nation choisit ses représentants au sein des institutions élues par voie de suffrages libres, sincères et réguliers », le suffrage n’ayant de sens que le vote. La constitution clarifie ainsi que c’est le choix de ceux qui ont voté qui produit la légitimité de la représentation et la mesure, et non une simple inscription sur les listes électorales.
L’amélioration de la représentativité politique, un faux alibi !
Prétendre que cette nouvelle manœuvre viserait à améliorer la présence et la représentativité des petites formations partisanes au sein de nos institutions représentatives est un pur cynisme politique. En effet, alors que cette manœuvre ne bénéficierait aucunement aux petits partis, elle apportera aux partis moyens aux dépens des deux grands partis du pays, le PJD et le PAM, un supplément de 31 sièges sur la base des résultats des élections parlementaires de 2016.
Les calculs de l’application de ce nouveau stratagème démontrent en effet que le PJD perdrait 26 sièges et le PAM 7 sièges, au bénéfice du RNI qui gagnerait par ce simple jeu de calcul 11 sièges supplémentaires, le Parti de l’Istiqlal 4 sièges, le PAM (après application de ce mode de calcul), l’UC et l’USFP 3 sièges, le MP et le FGD 2 sièges et le PDI 1 siège.
« Le jeu dissimulé d’un tel stratagème est clair (…). Il exprime les visées de ceux qui voudraient accéder aux institutions représentatives par des manipulations et des contournements »
Le jeu dissimulé d’un tel stratagème est clair et ne trompe personne. Il exprime les visées de ceux qui voudraient accéder aux institutions représentatives par des manipulations et des contournements, en faussant le vote de la nation par l’usage non pas des voix de ceux qui ont voté, mais bien celles de ceux qui n’ont pas voté. Une manipulation qui viole la constitution !
Est-il alors raisonnable de laisser faire de telles manœuvres contraires à l’esprit démocratique, et dont le dessein est univoque, celui de faire tomber un seul parti ? Ce parti politique qui est pourtant aujourd’hui un véritable acquis pour le pays, un parti national, infaillible fidèle à son pays et à sa monarchie, et qui a été et continue à être un facteur solide de stabilisation et de développement pour le Royaume, avec et à côté de toutes les forces vives de la nation.
Abdennabi Aboulaarab est enseignant-chercheur, élu communal PJD à Casablanca, 1er vice-président de l’arrondissement Roches Noires.