Face à la fermeture des cafés, restaurants et mosquées même dans les aires de repos en raison de l’état d’urgence sanitaire, les chauffeurs routiers n’ont guère le choix que de s’adapter à une situation exceptionnelle. Ils doivent s’accommoder avec des conditions de travail plus rudes que jamais et passer outre leurs petites habitudes.

S’arrêter après des heures de route pour commander un thé, un café ou encore un petit plat fait partie du passé. Ces hommes se retrouvent dans l’obligation d’emmener avec eux leurs propres vivres et de “voler” quelques minutes pour préparer de quoi se nourrir.

Nouvelles habitudes

Pour s’y faire, ils ont équipé leurs camions du matériel nécessaire : ustensiles, aliments, épices, bonbonne, etc. Certains ont aménagé un espace de couchage et un autre pour cuisiner en toute sécurité, toujours dans le strict respect des règles d’hygiène.

“Nous nous sommes efforcés pour nous adapter à cette nouvelle situation, en vue de pouvoir poursuivre nos activités de manière normale. Nos clients nous sollicitent toujours pour transporter leurs marchandises vers d’autres villes”, confie à la MAP Mohamed H., camionneur en provenance de la ville d’Agadir.

“Je ne cesse de désinfecter mon camion à chaque arrêt”

Mohamed H.

Ce quinquagénaire se dit conscient des risques qu’il prend en sortant de chez lui durant cette période confinement, mais, en même temps, il n’a pas le choix pour se tirer d’affaire et continuer d’entretenir sa famille. “Dès la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, vendredi d’avant, un changement radical est survenu dans mes conditions de travail, explique-t-il. Et de poursuivre : D’abord, j’accorde plus de temps à la préparation de la ration alimentaire pour le trajet et je ne cesse de désinfecter mon camion à chaque arrêt.”

Le chauffeur explique que “L’unique problème dont nous souffrons”, concerne principalement la fermeture des garages et mécaniciens “puisque les camions nécessitent un entretien régulier”.

Maigres revenus

Cette crise sanitaire, même gérée par ces camionneurs avec fatalisme et un brin d’optimisme, ne manque pas de peser considérablement sur les revenus. Et, par conséquent, sur le pouvoir d’achat. La majeure partie des routiers puise désormais dans la tirelire.

C’est le cas de Mouloud B., un autre chauffeur d’Agadir, qui révèle que les revenus perçus en cette période permettent à peine de couvrir les dépenses de carburant. “Cette conjoncture est un peu délicate. Je transporte les marchandises avec une fréquence d’un voyage par semaine”, explique-t-il. “Je reste parfois jusqu’à cinq jours, voire plus, à Casablanca, dans l’attente de clients pour le voyage retour. Mon quotidien a complètement changé que ça soit au niveau professionnel ou personnel.”

Pour ce qui est du contrôle sur les routes, il se dit rassuré de constater la forte mobilisation des forces de l’ordre pour garantir le bon déroulement de l’état d’urgence sanitaire. Il dit ne rencontrer aucun problème avec les barrages, puisqu’il a collé son attestation exceptionnelle de circulation sur le pare-brise du camion.

Double peine

Face à cette situation, force est de constater que ces camionneurs vivent une double peine. Il s’agit de l’isolement de leurs familles par crainte pour leur santé et du marasme de l’activité économique. “Les revenus sont faibles par rapport à la période normale. Au lieu d’acheminer les livraisons deux ou trois fois par semaine comme auparavant, je suis contraint d’attendre en croisant les doigts dix jours, sinon plus”, regrette M’hamed E., transporteur à Casablanca.

Dans l’attente de jours meilleurs, M’hamed s’est reconverti dans la livraison de caisses de légumes et fruits

“Nous, les camionneurs, ne pouvons pas nous permettre le luxe de rester chez nous, même si les clients se font rares, du fait que les sociétés ne disposant pas de leur propre flotte n’acheminent plus leurs produits vers Casablanca et que les grossistes de Derb Omar ont baissé le rideau jusqu’à la fin du confinement”, déplore-t-il encore.

Dans l’attente de jours meilleurs, M’hamed s’est reconverti dans la livraison de caisses de légumes et fruits aux détaillants de Benjdia et de la Gironde, en temps normal à Derb Omar et Garage Allal, les deux hauts-lieux du commerce de gros dans la métropole.

Pour autant, les camionneurs rencontrés disent vouloir continuer leurs activités dans l’intérêt général et pour le bien de leurs familles, en dépit des contraintes et défis qui ne cessent de s’accentuer avec l’augmentation du nombre de cas confirmés de Covid-19. Un sacrifice qui s’ajoute honorablement à leur actif.

(MAP)