Un régime politique ne s’effondre pas parce que les miséreux se soulèvent. Ces derniers ont rarement l’occasion de former des coalitions, et encore moins d’imposer un rapport de force favorable. Le régime de Ben Ali ne s’est pas effondré parce que Mohamed Bouazizi s’est immolé. Ce dernier ne fut que l’étincelle, comme on l’a justement dit. Le feu a pris dans une paille accumulée depuis des années. Soudainement, Ben Ali découvrait que ni sa bourgeoisie, ni son armée, ni son administration, n’étaient prêtes à le soutenir face à la colère de la rue. Un régime politique s’effondre lorsque, silencieusement, ses piliers se détournent de lui. Il peut durer encore, mais à la grâce d’un calme précaire. Car il suffit alors d’une simple émeute, d’une exaspération soudaine, pour que le bâtiment s’effondre. En Egypte, dans les années 2000, une colère sourde s’était mise, doucement, à gronder. Elle ne venait pas des quartiers surpeuplés et pauvres de Choubra ou de Warraq, mais des élites du pays. L’armée, parce que Moubarak souhaitait transmettre le pouvoir à son fils, brisant la loi tacite des…