Au Mali, l'opposition veut entrer en "résistance" face à IBK

L'opposition au Mali n'accepte pas sa défaite, 48 heures après l'annonce de la réélection du président Ibrahim Boubacar Keïta. En attendant une hypothétique invalidation des résultats, un bon millier de ses partisans ont manifesté samedi à Bamako, où leur chef de file a appelé à "résister".

Par

AFP

Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », 73 ans, a été proclamé vainqueur du second tour d’une présidentielle jugée cruciale pour l’avenir du Sahel mais qui a peu mobilisé au Mali, un pays toujours confronté à la menace jihadiste malgré cinq années d’interventions militaires internationales.

Son adversaire Soumaïla Cissé, un ancien ministre des Finances de 68 ans, a été crédité de moins d’un tiers des votes (32,83%), selon les chiffres du ministère de l’Administration territoriale rendus publics jeudi.

Mais M. Cissé, qui lors de la présidentielle de 2013 avait très rapidement reconnu sa défaite, a cette fois rejeté « catégoriquement » ce résultat, le qualifiant de « mascarade« , « fruit pourri d’une fraude honteuse ». Selon ses propres calculs, il a « remporté cette élection avec 51,75% des suffrages« .

Soumaïla Cissé a introduit des recours devant la cour constitutionnelle, qui annoncera lundi à 10H00 GMT les résultats définitifs, même si l’opposition doute de l’impartialité de cette haute juridiction qui avait balayé ses plaintes après le premier tour.

A l’appel du leader de l’opposition, un bon millier de ses partisans se sont réunis face à la mairie de Bamako samedi matin, encadrés par des dizaines de policiers en tenues antiémeute. Lorsque Soumaïla Cissé a fait son apparition, le son strident des vuvuzelas et les cris « IBK voleur » ont redoublé, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Le cortège a parcouru le centre ville jusqu’aux environ de la place de l’Indépendance, toujours sous la surveillance des forces de l’ordre, avec à sa tête l’activiste et homme de radio Ras Bath, très populaire auprès de la jeunesse malienne.

« Le pouvoir est illégal. Cette fois-ci c’est notre tour, nous avons gagné, nous continuerons nos marches jusqu’à la démission du gouvernement« , assurait Fatoumata Konaté, membre du bureau politique de l’URD, le parti de M. Cissé.

« Nous ne pensons pas qu’il y a défaite. Nous n’allons pas reconnaître le vol« , a abondé l’un des porte-parole de l’opposition, Nouhoum Togo, en fustigeant les dirigeants étrangers qui, comme le président français Emmanuel Macron, ont congratulé IBK avant même le verdict de la cour constitutionnelle. « Ceux qui acceptent de féliciter les voleurs sont aussi de gros voleurs », a accusé ce vétéran de la politique malienne.

« La fraude est le pire des crimes que l’ont peut cautionner« , a jugé Ras Bath lors des discours de fin de manifestation, s’interrogeant sur « ce que révèle » les félicitations de la France ou des Nations unies, fortement engagées depuis des années au Mali avec des milliers d’hommes pour lutter contre la menace jihadiste, en particulier dans le nord.

Ibrahim Boubacar Keïta aura en priorité la lourde tâche de relancer l’accord de paix conclu en 2015 avec l’ex-rébellion à dominante touareg. Sa mise en oeuvre accumule les contretemps et n’a pas empêché les violences de se propager du nord vers le centre du pays et vers le Burkina Faso et le Niger voisins.

Au contraire, il va « ruiner le pays de ses forces vives« , faute de développer l’économie et restaurer la sécurité, a accusé Soumaïla Cissé, juché sur la plateforme d’un camion, une écharpe aux couleurs du Mali en bandoulière.

« Attendez-vous à tout« , a-t-il lancé à ses partisans, en dénonçant la « police politique » du pouvoir. « Mais résistez!« , a-t-il ajouté, en promettant que les manifestations reprendraient « après la fête » de la tabaski la semaine prochaine, comme on appelle en Afrique de l’Ouest l’Aïd el-Kebir, et dont la préparation occupe l’esprit d’une grande partie des Maliens.

Depuis l’annonce de sa victoire, M. Keïta s’est quant à lui contenté de « remercier du fond du coeur » les Maliens sur sa page Facebook.

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