Vous le savez sans doute, un vent mauvais a soufflé cette semaine sur la tête de nos glorieux responsables, accusés de ralentir la construction du MarocModerne. Par leur laisser-aller, ils auraient un peu tardé à propulser la bonne ville d’Al Hoceïma dans les hautes sphères du développement économique, social, culturel, berbère et andalou. Bizarrement, ceux qui disaient à peu près la même chose dans la rue il y a quelques mois sont aujourd’hui sous les verrous. Ils ont dû avoir un problème de timing les pauvres. Un peu surpris, Zakaria Boualem a demandé aux gens autour de lui si c’était normal, on lui a répondu qu’il ne fallait pas chercher la petite bête, et qu’on était à présent entrés dans une nouvelle ère, forcément glorieuse (c’est-à-dire encore plus que la précédente).
A moitié convaincu, le Guercifi s’est mis à imaginer ce à quoi pourrait bien ressembler le Maroc si on s’amusait à concrétiser tous les projets annoncés. On aurait un tunnel vers l’Espagne, par exemple, des paquets de dix millions de touristes par an, un Maroc écolo et une demi-douzaine de Coupes du monde. Parce qu’en termes d’annonces, nous sommes très forts tbarkallah. Il est tellement plaisant de lire la description de leurs projets qu’on pourrait bien s’en contenter en fin de compte. Il est même conseillé de festoyer dès l’annonce des projets, sans attendre un début de réalisation, sans quoi on risque de se retrouver à devoir festoyer depuis l’au-delà. Souvenez-vous par exemple de cette liste spectaculaire pour la seule ville de Casablanca. Comment ne pas frissonner à la lecture de ce programme qui comprenait, tenez-vous bien, un palais des congrès, un parc d’expositions, un centre équestre, un aquarium, un beach-club, un parc, un centre culturel, un musée d’art moderne, un musée de la mer, un autre de la résistance, un musée de la mode et du design et un dernier archéologique. C’est bien ainsi que ça a été annoncé en 2014, les amis, c’est une information véridique, hamdoulillah, l’Internet n’oublie rien. Presque quatre ans après, on a un peu de mal à situer dans la ville tous ces beaux projets. Mais nous avons rêvé, nous avons été saisis d’une douce torpeur en imaginant ces réalisations, nous nous sommes projetés ensemble dans un avenir lumineux, et c’est peut-être le plus important. Voilà comment il faut prendre les choses, croyez-moi. Il faut préciser pour ceux qui l’ignorent encore qu’il existe à Casablanca une station de tramway qui s’appelle “Hôpital de Sidi Moumen” alors que, bien entendu, il n’y a pas le moindre hôpital à Sidi Moumen. Il faut relire tranquillement la phrase précédente pour en saisir la pleine puissance. C’est bon ? Alors tout est dit, il n’y a rien à ajouter. La conclusion s’impose : nous sommes un peuple du verbe, c’est presque poétique. Regardez par exemple cette histoire de candidature à l’organisation de la Coupe du monde 2026. Nous avons postulé — appréciez le panache — contre une coalition comprenant les États-Unis, le Canada et le Mexique. C’est certes un beau geste, sachant que l’édition 2026 accueillera 48 équipes, mais on aura bien du mal à repérer la moindre des actions concrètes qui devraient accompagner ce vœu. Il n’y a pas de logo, pas de site Internet, même pas de page Facebook officielle. Qu’importe, après tout, puisque nous ne l’aurons pas. Mais, encore une fois, sur le plan du verbe, nous avons été présents, et même glorieux, c’est bien ce qui compte finalement.
Voici pourquoi Zakaria Boualem vous répète que nous allons nous qualifier pour la Coupe du monde dès la semaine prochaine. Nous allons maîtriser la Côte d’Ivoire sans trembler et nous retrouver, après vingt ans de souffrances atroces, parmi l’élite mondiale à festoyer sans vergogne. Vous pouvez d’ailleurs commencer aujourd’hui, il n’y a pas de temps à perdre. N’ayez aucun doute sur la qualification, la démonstration a déjà été faite dans ces mêmes colonnes, inutile de revenir dessus. Il ne s’agit pas d’un souhait, ni même d’un pronostic, mais d’une obligation, tout simplement. Nous n’avons pas le choix. Quand cette formalité sera accomplie, nous pourrons nous projeter ensemble dans les huit mois qui viennent. Ça peut sembler très peu, mais pour Zakaria Boualem, c’est énorme, vu l’ambiance actuelle. Et merci.