La CIA a mis en ligne 470.000 fichiers saisis en mai 2011 lors de l’opération qui avait permis d’abattre Oussama Ben Laden au Pakistan.
La CIA a rendu publiques, ce mercredi 2 novembre,d’importantes archives d’Oussama Ben Laden, saisies lors du raid américain de 2011 au cours duquel le chef d’Al-Qaïda a été tué au Pakistan et susceptibles d’apporter de nouveaux éclairages sur le réseau extrémiste.
Parmi la masse de documents figurent des images de journaux intimes manuscrits du fondateur du réseau jihadiste responsable des attentats du 11 septembre 2011 aux États-Unis. Mais aussi une vidéo du mariage de son fils Hamza, souvent considéré comme le « prince héritier du jihad », dont on découvre les premières images à l’âge adulte. Cette publication « donne l’opportunité aux Américains d’en savoir plus sur les projets et le fonctionnement de cette organisation terroriste« , a déclaré le directeur de l’agence de renseignement américaine Mike Pompeo.
La CIA a mis en ligne 470.000 fichiers supplémentaires saisis en mai 2011 quand l’armée américaine a fait irruption dans un complexe d’Abbottabad, ville de garnison pakistanaise, et abattu Ben Laden, qui avait échappé dix ans plus tôt à l’intervention des États-Unis en Afghanistan. Selon des chercheurs du think tank américain Foundation for Defense of Democraties (FDD), Thomas Joscelyn et Bill Roggio, qui ont eu accès aux documents avant qu’ils soient déclassifiés, ces derniers fournissent notamment des informations sur les relations troubles entre Al-Qaïda, un réseau islamiste sunnite, et l’Iran chiite.
« Ces documents vont largement aider à répondre à certaines questions que nous avions encore sur le leadership d’Al-Qaïda« , a estimé Bill Roggio. En octobre, lors d’une conférence organisée justement par le FDD, Mike Pompeo avait promis de dévoiler des documents illustrant les liens Iran-Al-Qaïda, et ce alors que les Etats-Unis ne cessent de dénoncer « l’influence négative » de Téhéran au Moyen-Orient. La vidéo du mariage de Hamza Ben Laden, apparemment tournée en Iran, en est un exemple.
Des documents déjà dévoilés, dont des lettres révélées par l’AFP en mai 2015, montrent que Ben Laden destinait Hamza à lui succéder à la tête du jihad mondial anti-occidental. Le jeune homme, aujourd’hui âgé de 27 ou 28 ans, se trouverait actuellement en Iran. Et l’un des textes tout juste déclassifiés est une étude de 19 pages sur les liens entre Al-Qaïda et l’Iran, rédigée par un lieutenant de Ben Laden, rapportent dans un article les chercheurs du FDD. Elle montre que Téhéran a proposé entraînement, argent et armes à des « frères saoudiens » d’Al-Qaïda, à condition qu’ils attaquent les intérêts américains dans le Golfe, ajoutent-ils.
Mais la vraie nature de cette relation reste controversée pour les experts. L’Iran et les groupes chiites qu’il soutient au Moyen-Orient sont souvent opposés à des mouvements sunnites proches de l’idéologie d’Al-Qaïda. Mais le fait que Hamza, le fils préféré de Ben Laden, et d’autres figures du réseau jihadiste puissent vivre sous la protection iranienne, ou sous la garde de l’Iran selon les hypothèses, pourrait aussi être la preuve d’une relation de travail entre Téhéran et le chef d’Al-Qaïda.
Les fichiers font toutefois aussi état de vifs désaccords entre Iraniens et jihadistes du réseau sunnite. Ainsi, cette lettre de Ben Laden au Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, pour demander la libération de ses proches. « D’autres documents montrent qu’Al-Qaïda a enlevé un diplomate iranien pour obtenir un échange » de prisonniers, explique Thomas Joscelyn. « La correspondance d’Oussama Ben Laden prouve que lui et ses lieutenants s’inquiétaient également de la possibilité de voir les Iraniens suivre Hamza ou d’autres membres de la famille après leur libération« . En outre, selon les chercheurs, « Ben Laden lui-même étudiait des plans pour contrer l’influence iranienne au Moyen-Orient, qu’il jugeait pernicieuse« . Mais in fine, écrivent-ils, l’analyse des documents laisse penser qu’Al-Qaïda a pu maintenir un « canal de facilitation important » en territoire iranien.
La publication de ces archives, et leur analyse par le FDD, un groupe de pression connu pour ses positions très hostiles à l’égard de l’Iran, a laissé sceptiques plusieurs observateurs à Washington. Ces documents « ne nous apprennent rien que l’on ne sache déjà« , a assuré Ned Price, ancien conseiller de l’ex-président Barack Obama. Il a soupçonné sur Twitter le patron de la CIA de les avoir déclassifiés pour apporter de l’eau au moulin de ceux qui souhaitent un conflit ouvert avec l’Iran. « Ces agissements suggèrent qu’il en revient à la stratégie de l’administration Bush: mettre l’accent sur les liens terroristes pour justifier un changement de régime« , a ajouté Ned Price.
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