C’est un jeune homme qui se tient debout les bras ouverts, un masque cachant son regard. À ses pieds, un écriteau : « Je suis musulman et je vous fais confiance. Et vous, assez pour me faire une accolade? ».
À Manchester, frappée en son coeur par un attentat qui a tué principalement des enfants et des parents lors d’un concert le 22 mai, les passants qui viennent honorer la mémoire des victimes arrêtent leurs pas. Ils s’agglutinent en demi-cercle, comme pour observer un spectacle. Certains hésitent, plus ou moins longtemps, puis se lancent. Un petit garçon jette ses bras autour de la taille du jeune homme, le déstabilisant un peu. « Oh merci! Une bonne journée à toi« .
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Personne ne trouve l’initiative mièvre ou déplacée. « Un peu de chaleur, ça fait du bien« , soupire une dame d’une cinquantaine d’années, le teint brouillé de larmes fraîches. Sur cette place, devenue emblématique de l’affliction des Mancuniens, les fleurs s’amassent et débordent. C’est un défilé continu, dans un bruit de fond sourd, presque silencieux. Une femme au T-shirt rock et lunettes noires dépose ses tulipes et met la main devant sa bouche, sa fille la prend par la taille.
Un instituteur vient déposer des dessins des enfants de sa classe disant « On pense à vous« , et disparait aussitôt. Une policière en uniforme fait la queue pour rendre hommage. L’une des 22 victimes était une collègue, sortie en civil le soir de l’attentat avec son mari. Une femme voilée déambule avec sa petite fille, proposant sur des plateaux de petits chaussons fourrés faits maison. « Prenez-en un, vous êtes debout depuis longtemps » exhorte-t-elle. Elle a du succès.
Une heure de câlins
Pendant ce temps, à une vingtaine de mètres, le jeune homme à la pancarte agite un peu les bras. C’est que ça fourmille à force de les avoir grands ouverts, comme un chef d’orchestre. Il ne le remarque pas, son masque toujours sur les yeux, mais une véritable file d’attente s’est formée. Désormais il distribue des « hugs » à la chaîne. Casquette noire, pantacourt bouffant et tennis, il porte un T-shirt blanc avec l’abeille de Manchester, mascotte ultrarésistante, avec le slogan « manic and proud » (déchaînée et fière). Une heure et des centaines de câlins plus tard, il craque. « Merci à tous, je suis reconnaissant. Quand des choses effrayantes se produisent, certains se retrouvent parfois accusés de manière injuste, et font l’objet de préjugés« , explique-t-il aux derniers passants, qui l’applaudissent.
Baktash Noori, « Bako » pour ses amis, a 22 ans. Exactement le même âge que Salman Abedi, kamikaze responsable de l’attentat de Manchester, revendiqué par Daech. Comme lui, il est né et a été élevé ici, « c’est une ville géniale non?« . L’ingénieur informatique fraîchement diplômé, aux faux airs de Riz Ahmed, un acteur anglais qui a joué notamment dans la série « Homeland« , n’a rien inventé, confie-t-il à l’AFP. Il reconnaît s’être inspiré d’expériences vues sur les réseaux sociaux, mais se dit bouleversé par le nombre de gens convaincus par sa petite affiche en carton. « Certains pleuraient, je l’ai senti. J’ai reçu des accolades de générosité pure« .
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