Le parc d'Al Hoceïma veut sauvegarder son aigle-pêcheur et sa biodiversité

C'est un trésor caché en plein coeur du Rif au nord du Maroc, à quelques encablures des hordes de touristes qui déferlent chaque été sur cette côte de la Méditerranée. Le parc national d'Al Hoceïma veut préserver sa riche mais fragile biodiversité, tout en privilégiant un éco-tourisme responsable.

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Crédit: Mustafa EL HASSOUNI / AFP

« Le parc d’Al Hoceïma, c’est 40 km de falaises de 600 mètres de haut! Bien plus que les calanques de Marseille! », s’exclame Houssine Nibani, président de l’Association de gestion intégrée des ressources (Agir), impliquée dans la conservation du parc. A 150 km à l’est du détroit de Gibraltar, ce parc créé en 2004 s’étend sur 48.000 hectares, avec une partie terrestre parsemée de villages berbères et une façade maritime immaculée de roches à pics et d’eau bleutée.

On y accède pour sa partie marine depuis la ville d’Al Hoceïma: une petite heure de navigation, où les immeubles cubiques et sans charme cèdent la place à une alternance de montagnes grisâtres et de plages aux eaux transparentes.

Ici s’arrête la marée touristique avec ses méchouis à sardine qui, chaque été, déferle sur Al Hoceïma. La route se termine à quelques jets de pierre d’une baie paradisiaque où le roi Mohammed VI plante sa tente l’été. Nichant dans les falaises, de majestueux balbuzards planent à la recherche de leur proie au-dessus des eaux poissonneuses où s’ébattent différentes espèces de dauphins, raies et mérous, sur des fonds parsemés de corail rouge et dans un littoral constellé de patelles géantes.

Le dernier phoque moine a disparu en 2004 sous la pression humaine, mais les grottes marines qui lui servaient d’habitat sont intactes, laissant espérer un possible retour de l’espèce.

« Ces falaises qui se jettent à pic dans la mer offrent un échantillon remarquable de la biodiversité du pourtour méditerranéen », souligne le directeur du parc, Mohamed Jabran. « Dans une mer saturée comme la Méditerranée, il est rare d’en avoir un préservé comme ça sur 40 km ».

Le parc est né de la volonté de protéger le balbuzard, inscrit sur la liste rouge des espèces en danger de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Ces rapaces piscivores sont aujourd’hui une trentaine d’individus à nicher sur les immenses falaises, l’une des plus grandes concentrations au monde de cette espèce. Leur présence atteste d’une eau transparente non-polluée, explique M. Jabran, avec une faune marine qui prospère sur des fonds rocheux peu profonds. Près d’une centaine d’espèces d’oiseaux fréquentent le parc, dont le rare goéland d’Audouin.

Côté terre, près de 15.000 villageois de la tribu rifaine des bokoya vivent dans ce massif calcaire. Une trentaine de villages échappant à l’urbanisation sauvage de la région sont reliés par des pistes poussiéreuses, dans des vallées encaissées parsemées de cavernes, de vieilles pierres et de mausolées.

Un plan de développement du parc a été mis en place pour 2015/2019. Dans le cadre d’un volet éco-tourisme, trois gîtes ont été ouverts et des sentiers de randonnée ont été aménagés. La zone est libre d’accès mais l’idée maîtresse est de « sensibiliser les touristes à la fragilité du parc, et de canaliser le flux d’estivants« , selon M. Jabran.

Il s’agit aussi d’aider au développement de la région par le tourisme, que l’Etat voudrait promouvoir dans cette zone enclavée et en grande difficulté économique. Le parc est un atout clé « à condition d’éviter un tourisme de masse« , dans un Nord marocain noyé sous les vacanciers pendant l’été, souligne son directeur.

Car plusieurs menaces pèsent sur cet écosystème fragile. D’abord la surfréquentation humaine, qui génère son lot de déchets et de nuisances. En cela, « la chance de ce parc, c’est qu’il n’y a pas de route goudronnée », confie le responsable. Il y a ensuite -pour la partie mer- la pêche à la dynamite, la chasse sous-marine et surtout le chalutage illégal « qui dévaste tout », se lamente M. Nibani, le président d’Agir.

Cette ONG tente d’associer à la protection des ressources les pêcheurs artisanaux, « premières victimes de la pêche illégale ou de la surpêche« , dit-il: près de 700 d’entre eux ont reçu une formation et « ont compris la nécessité de protéger » les richesses de la faune marine locale.

Hervé Bar (AFP)

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