Edito. Déception électorale

Par Aicha Akalay

Le Palais ne voulait plus travailler avec Abdelilah Benkirane. Cinq années baraka, disait-on, avant les résultats des législatives du 7 octobre, dans l’entourage royal. Le reproche souvent formulé était que le cabinet royal ne pouvait pas travailler efficacement avec ce Chef du gouvernement, considéré comme inconstant et surtout incompétent. Les relations tendues entre Fouad Ali El Himma, plus proche conseiller du roi, et Abdelilah Benkirane n’ont rien arrangé. Le premier, se présentant comme un simple exécutant de la volonté du roi, se serait heurté aux résistances d’un zaïm islamiste opposé à l’interventionnisme de l’ami du monarque, dont les prérogatives restent floues. Ces tensions, Benkirane s’en est accommodé pendant son mandat mais les a exploitées lors de sa campagne, dénonçant un tahakkoum qui aurait été responsable de l’échec de son parti.

Vendredi soir, le PJD est finalement arrivé premier aux élections législatives. Victorieux, le Chef du gouvernement a alors salué ce “jour où la démocratie a gagné”. Ses interrogations et ses craintes sur les choix démocratiques du Maroc se sont dissipées. Le ministre de l’Intérieur a eu alors raison de le souligner, le processus électoral a été globalement respecté et les urnes, restées majoritairement inviolées, se sont exprimées. Mais ce n’est pas assez pour faire de ce scrutin une étape importante dans la construction de notre démocratie. Benkirane, et ceux qui le talonnent, les élus du PAM, ont tort de se réjouir.

Le faible taux de participation (43%) est une véritable claque adressée par les Marocains à leurs politiques. Il dit le décalage effrayant entre ceux qui vont gouverner ce pays et la population. La désaffection totale pour ces élections est un échec pour Benkirane, qui avait promis de restaurer la confiance des Marocains en la politique. Et c’est aussi un cuisant revers pour ceux, beaucoup trop nombreux au sein du PAM, qui ont acheté les voix des citoyens et mis à contribution chioukh et moqaddems pour orienter les votes, selon les nombreux témoignages récoltés durant la campagne aux quatre coins du pays.  


Il n’y a absolument rien de réjouissant dans ce scrutin.
La victoire des islamistes annonce leur installation au pouvoir, avec ce qu’ils défendent comme conservatisme et fermeture sur le monde. Le PAM et ses appuis réels, au sommet même de l’Etat, se sont acharnés à discréditer le PJD en se comportant exactement à l’inverse de ce qu’ils sont censés défendre : la modernité. Les autres partis, surtout la gauche, cette frange politique la plus à l’écoute des libertés individuelles, a été laminée. Au lendemain de ces élections, les démocrates convaincus, ceux qui rêvent d’un Maroc juste, ouvert et moderne, sont orphelins. Ils sont désormais ballottés entre deux partis animés par un seul objectif : dominer la vie politique.