Mohamed Benhammou: « La Mauritanie est noyautée par le Polisario»

Fin connaisseur de la géopolitique africaine, le président du Centre marocain d’études stratégiques Mohamed Benhammou nous livre son analyse sur les récentes tensions entre le Maroc et la Mauritanie.

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Mohammed Benhammou, politologue et président du Centre marocain des études stratégiques (CMES). Crédit: DR

 

Le Maroc a récemment annoncé des opérations de « nettoyage » dans la localité de Guergarat. Le Polisario les a condamnées. Ce n’est pourtant pas la première fois que le Maroc lance ce genre d’opérations.

Non, ce genre d’opérations est régulièrement effectué par les autorités marocaines, parfois conjointement avec la Mauritanie. Maintenant, le Polisario prétend que le Maroc a violé un territoire sous contrôle de la Minurso. Sauf qu’à la vérité, ce territoire est une zone de non-droit, ou trafic de drogue, contrebande, trafic d’armes, trafic de voitures volées pullulent. Le Maroc, qui refuse d’occuper militairement cette zone car cela va lui coûter cher, n’a pas d’autres choix que de faire le ménage de temps à autre dans cette zone que l’on qualifie de « Qandahar » du Maghreb.

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Mais l’annonce de cette opération n’est pas fortuite. On imagine que la crise avec la Mauritanie y est pour quelque chose…

Cette opération a, en tout cas, de quoi déplaire à la Mauritanie. Taper fort sur une économie illégale, cela peut priver certains qui bénéficient des intérêts de ce trafic. Pour revenir à ce qu’on qualifie de crise entre la Mauritanie et le Maroc, il faut d’abord préciser qu’il y a beaucoup d’intox. Je fais allusion aux prétendues missiles qui auraient été déployées au nord de la Mauritanie ou encore au drapeau hissé à Lagouira. En tant qu’observateur des questions militaires et connaissant leur type d’armement, ce n’est pas cela qui va nuire à un quelconque intérêt stratégique marocain.

 

 

Mais la crise entre le Maroc et la Mauritanie ne date pas d’hier. D’ailleurs, depuis qu’Abdelaziz est au pouvoir, on a l’impression que les relations entre les deux voisins vont de mal en pis.

Effectivement. Cette crise n’est ni la première ni la dernière. On peut dire que les relations sont devenues tendues depuis la tentative d’assassinat de Mohamed Abdelaziz. C’est sûr que tant qu’Abdelaziz est président, les relations Maroco-mauritaniennes resteront crispées.

 

Vous pensez qu’Abdelaziz soupçonne le Maroc d’avoir fomenté cette « tentative d’assassinat »?

Soupçonner le Maroc serait le méconnaître. Certains ont voulu faire croire à Abdelaziz que le Maroc était derrière cette tentative d’assassinat. Pourtant, Abdelaziz connait bien le Maroc. Il a fait ses études à Meknès. Mais Abdelaziz est mis sous pression. Son pays est noyauté par le Polisario. L’Algérie le sait et l’utilise comme moyen de chantage, un chantage à la déstabilisation. Or, l’État mauritanien est très fragile. Mais ce chantage-là n’est pas la seule cause des tensions entre les deux pays. Depuis son arrivée au pouvoir, Abdelaziz essaie de positionner la Mauritanie sur la scène régionale. Il compose avec de nouvelles équations, préside l’Union africaine, accueille le sommet de la Ligue arabe. Il veut se montrer indispensable. Ses relations avec la France et les États-Unis sont excellentes. Également avec le Qatar. Est-ce qu’il faut lui en vouloir d’avoir de l’ambition pour son pays ? Non, mais je pense qu’il n’a pas les moyens de ses ambitions.

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