Il commence à faire froid. Les jours raccourcissent et les jupes se rallongent. L’été est bien loin. Les vacances au ski et les soldes ne sont pas encore de saison. C’est l’automne. Certains trouvent ça plein de charme et de poésie. Ils sont doués, pas toi.
Les feuilles qui meurent, toi ça te déprime. Entre le printemps qui ne tient pas ses promesses et l’automne qui te rappelle à quel point tu ne tiens pas les tiennes, il ne faut pas s’étonner que tu préfères l’été. En plus aujourd’hui, il pleut. C’est sans doute formidable pour l’agriculture, mais pour ton moral c’est loin d’être glorieux. C’est dimanche et ton état est plus proche du sordide que du mélancolique. Tu appelles Zee pour lui raconter ta soirée. Et là, en lui racontant ton non-évènement de la veille, tu te rends compte de la difficulté de trouver un surnom décent aux mecs en 2015. Ce n’est pas comme si le dictionnaire regorgeait de synonymes de naze ou de relou.
Parce que forcément c’est de garçons que tu vas encore parler avec Zee. A défaut de vivre d’amour et de Sidi Ali, tu as des histoires qui, le plus souvent, ne doivent pas grand-chose à l’eau minérale. Tu n’appelles pas ça des aventures. Tu refuses totalement ce mot. Ce sont des histoires. Du moins tu les racontes comme telles. En brodant beaucoup et en ajoutant une bonne dose de romance pour tenter de parer à la platitude de tes rencontres qui s’enchaînent et ne servent à rien.
Pourtant, il y a bien un garçon, LE garçon. Celui qui fait que ton cœur bat un peu plus vite et que tes mains tremblent. Le seul que tu trouves beau et intelligent. Et subtil. Et drôle. Le seul que tu admires. Le seul qui te fasse rêver. Le seul que tu ne peux pas avoir. Il ne doit sûrement pas y avoir de hasard. On crée des liens en fonction de ce que l’on pense de nous-mêmes. Et finalement, tu ne dois pas avoir tellement confiance en toi pour t’être éprise du seul être qui ne te regarde pas, du seul qui soit incapable de t’aimer. Tu dois te dire que tu n’es pas digne d’être aimée pour de vrai.
Tu te jettes dans des bras sans le moindre émoi, juste pour combler ton indicible vide. Des bras qui te désirent autant qu’ils te rassurent. Quitte à choisir, tu préfèrerais être désirée sans amour, pour qu’il n’y ait vraiment rien. Idéalement tu rêverais d’être aimée sans désir. Mais l’idéal te semble assez conceptuel. Alors tu as abdiqué, gentiment. Sans faire de bruit. Sans pleurer. Sans en parler non plus. Tu y penses quand tu es toute seule. C’est d’ailleurs pour ça que tu évites le plus possible de te retrouver seule et sobre.
Pour ne pas penser à Lui. Pour ne pas imaginer tout ce que tu pourrais Lui dire si seulement il t’écoutait. A Lui, tu aurais envie de dire la vérité. Avec Lui, tu n’aurais même plus envie de tricher. Avec Lui, tu te dis que pour une fois tu pourrais les tenir tes promesses.
Mais tu sais que ça ne marchera pas, que ça ne peut pas marcher. Finalement, la seule chose qui n’aille pas de traviole dans ta vie c’est ta carte bleue, alors tu ne t’en prives pas. Tu achètes. Pour avoir, juste avoir, des quantités de choses qui donnent envie d’autre chose. C’est que tu te perdrais bien dans une foule sentimentale. Évidemment que tu as soif d’idéal. Mais comme tu ne sais pas où s’achète l’idéal, tu étanches ta soif autrement. Tu aimerais pouvoir te dire: allez hop une nouvelle coupe, un Starbucks et ça repart! Mais il se trouve que tu détestes te couper les cheveux et tu ne bois jamais de café. Du coup ça va être un brushing, un shot de tequila et on oublie tout pour recommencer!