Addoha, CGI, Alliances... L'immobilier dans la tempête

L'immobilier va mal, les promoteurs sont dans le rouge... mais que faire pour redresser la situation du secteur ?

Par

Prestigia Bouskoura Golf City

Quand l’immobilier va mal, c’est toute l’économie du pays qui est menacée. Le secteur du BTP par exemple, contribue à hauteur de 6,6 % du PIB marocain et emploie 9 % de la population active. Le secteur est donc surveillé. Mais aujourd’hui, les gros promoteurs immobiliers, qui en sont la vitrine, ont les voyants qui passent au rouge.

Leur situation à la bourse de Casablanca est catastrophique. Addoha, CGI, Alliances : le cours de leur action est en chute depuis plusieurs années. Seules les Résidences Dar Saada, introduites fin 2014, s’en sortent bien. Depuis 2010, le cours d’Alliances a baissé de 85 %, celui d’Addoha de 70 % et celui de la CGI de 55 %, avant sa suspension de la bourse le 22 octobre dernier. Si les cours chutent, c’est que les résultats de ces promoteurs ne sont pas reluisants. En 2014, le chiffre d’affaires du groupe d’Alami Lazrak a diminué de 31 % et celui de l’entreprise d’Anas Sefrioui de 25 %.

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La faute à l’offre ou à la demande ?

Les difficultés du secteur du neuf sont en partie liées à des problèmes de financement. Les banques sont réticentes à financer les projets immobiliers, la Fédération nationale des promoteurs s’en plaint d’ailleurs.

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En outre, les investissements directs à l’étranger (IDE) sont aussi en baisse. « C’est d’autant plus le cas pour ceux orientés vers l’immobilier, ils ont baissé de 27 % entre 2013 et 2014 », nous explique Adnane Bajeddi, expert en immobilier. Bref, la situation est aussi d’ordre macro-économique.

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Mais le problème se situe également du côté de la demande, ajoute Adnane Bajeddi. « D’après les chiffres du Haut-commissariat au plan, l’indice de confiance est à un niveau historiquement bas. Les gens sont donc plus réticents à investir », commente l’expert.

Une frénésie destructrice ?

Le secteur est plombé par une inadéquation entre l’offre et la demande. Les promoteurs s’enrichissent avec la construction de logements sociaux, accompagnée d’avantages fiscaux, comme l’exonération de la TVA par exemple. Dans certaines régions il n’y a pas assez d’offres faute de foncier, dans d’autres il y a une suroffre et les promoteurs n’arrivent pas à écouler.

Sur le haut de gamme, ils peinent à vendre la quantité des biens construits. Les promoteurs n’arrivent ainsi plus à réaliser de grosses marges dans ce créneau. « Actuellement les promoteurs tablent sur une marge de 18 – 20 % au lieu de 25% voire même 30% 3 ans auparavant », d’après Adnane Bajeddi.

Le moyen standing, avec des logements entre 600 000 et 750 000 dirhams destinés à la fameuse « classe moyenne », comporte peu d’avantages financiers pour les promoteurs immobiliers, qui délaissent alors quelque peu le segment. Interrogé par Atlantic Radio il y a quelques semaines sur le manque d’offre en moyen standing, le ministre de l’Habitat et de la politique de la ville Mohamed Nabil Benabdallah l’a concédé : « Le profit : que voulez-vous qu’on y fasse ? ». Addoha a annoncé récemment lancer une filiale moyen standing. Coralia proposera des appartements entre 300 000 et 400 000 dirhams.

« La bulle spéculative a déjà éclaté »

Les promoteurs sont critiqués pour la qualité des produits et surtout leurs retards de livraison, de plusieurs années parfois. Moncef Lahlou, PDG de l’agence immobilière Capital foncier, nous avoue d’ailleurs qu’auparavant, il vendait beaucoup de promotions mais que ces retards ont tellement affecté son activité qu’il a préféré arrêter. Moncef Lahlou vend surtout de l’ancien, créneau concerné par d’autres problèmes que ceux de la promotion. En général, « les clients qui achètent ont un budget limité mais les vendeurs ne veulent pas suivre nos recommandations et baisser le prix », nous explique-t-il. Le dirigeant d’agence voit cependant un très léger sursaut de l’activité, surtout depuis la publication du référentiel des prix par l’administration.

Les prix ont tellement augmenté ces dernières années que le nombre de transactions s’est mis à diminuer (-5 % en 2013 par rapport à 2012 par exemple). Les experts ont longtemps parlé d’une bulle spéculative, qui aurait dû éclater depuis un moment, à les écouter. Alors, que va-t-il se passer maintenant ? D’après Adnane Bajeddi, « ça va se passer en douceur. En réalité, il y a déjà eu un éclatement de la bulle spéculative, mais c’était plus soft qu’aux États-Unis ». En 2014, les chiffres ont été un peu plus rassurants, avec une augmentation de 12 % du nombre de transactions et une légère baisse des prix (0,8 %), d’après Bank Al-Maghrib.

Encore des avantages fiscaux ?

Mais que faire maintenant pour améliorer la situation du secteur ? Apparemment, il y a un manque flagrant d’information à disposition des promoteurs pour leur permettre d’adapter leur offre. En guise d’exemple, Adnane Bajeddi nous raconte, qu’en tant qu’expert immobilier, il reçoit des études de marchés de gros promoteurs. Récemment, l’une d’entre elles se basait sur des chiffres du HCP datant de… 2004. « Les promoteurs lancent les projets sur de fausses informations, puisqu’il n’existe pas d’observatoire dédié à la question par exemple. Pour le social, il est clair que des logements à 250 000 dirhams partent comme des petits pains mais pour le haut standing, alors que c’est risqué, les promoteurs se fient à leur flair », nous explique-t-il.

Autre solution évoquée : jouer sur l’offre en accordant des offres de prêts préférentiels aux clients. Adnane Bajeddi estime quant à lui que les promoteurs pourraient bénéficier d’autres avantages fiscaux, ou bien encore que « l’État pourrait injecter des liquidités financières pour soutenir des projets stables dédiés à la classe moyenne notamment ».

L’État a vendu des terrains à prix très avantageux aux promoteurs, qui n’ont pas trouvé les financements pour construire dessus. Pour améliorer leur situation financière, les promoteurs ont dès à présent commencé par vendre ce foncier non exploité, comme le prévoit le plan « génération cash » d’Addoha par exemple. Aussi, en janvier dernier, Saâd Sefrioui, directeur général délégué du groupe, nous l’expliquait : dorénavant, le promoteur « ne construira plus ce qui n’est pas encore vendu », autrement dit, attendra d’avoir fini de vendre une tranche avant de lancer la suivante.

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