Pas d’avancée pour les droits de l’Homme en 2014 selon HRW

Le représentant de Human Rights Watch pour la région Mena a critiqué les autorités pour leur « acharnement » contre certaines associations mais a salué les réformes entreprises dans le domaine de la politique migratoire.

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Le directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du nord de Human Rights Watch, Eric Goldstein et le chercheur Brahim Elansari. Crédit: Rachid Tniouni
Le directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du nord de Human Rights Watch, Eric Goldstein et le chercheur Brahim Elansari. Crédit: Rachid Tniouni

« Les droits de l’Homme n’ont pas avancé en 2014 ». C’est en ces termes qu’Eric Goldstein, le directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord au sein de l’ONG Human Rights Watch (HRW), a qualifié l’évolution de la situation des droits de l’Homme dans le royaume l’année passée. Le responsable de HRW, qui s’exprimait à l’occasion de la présentation du rapport annuel de son ONG ce 29 janvier, a déclaré que cette situation était regrettable au vu, notamment, de la constitution promulguée en 2011. Une constitution qui, selon lui,  n’est pas une «réalité » mais reste une « feuille de route ». Il estime que l’absence de mise en œuvre du texte illustre « un manque de volonté politique » des responsables.

Lors de cette rencontre, qui se déroulait à Rabat, Eric Goldstein s’est penché sur l’évolution de droits fondamentaux comme les libertés d’expression et d’association au Maroc.

Code de la presse: la réforme qui n’arrive pas

Eric Goldstein a ainsi rappelé que les peines privatives de liberté pour offense au roi, à l’État ou pour diffamation sont toujours passibles de peines privatives de liberté. Il a déploré que la réforme du Code de la presse, qui est discutée « depuis 10 ans », ne soit toujours pas entérinée. Le responsable de HRW a également déploré la situation de  la liberté d’expression pour les artistes en citant le cas des rappeurs L7a9ed et Mister Crazy.

Le premier s’est vu refuser, lors de son procès pour ventes de billets au noir, violences et insultes sur des agents des forces de l’ordre, le « droit de convoquer des témoins à décharge ou des victimes présumées ». Le second, âgé de 17 ans, a purgé une peine de trois mois de prison pour « insultes à la police et incitation à la consommation de drogue » dans ses clips.

La liberté d’association ébranlée

Eric Goldstein a également regretté la non application de la loi relative à la liberté d’association ou de réunion. Le responsable de HRW a cité les cas d’associations amazighes ou sahraouies qui ont rempli toutes les démarches administratives nécessaires pour leur reconnaissance mais qui ne parviennent pas à obtenir le récépissé légal leur permettant notamment de louer des salles publiques pour se réunir.

Un blocage administratif qui a également affecté l’association Freedom Now, a rappelé Eric Goldstein. Le représentant de l’ONG américaine a aussi évoqué le cas de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) dont plus de 40 activités ont été interdites dans le courant de l’année 2014. Pour Eric Goldstein, la persistance de l’État à interdire des activités de l’AMDH malgré des décisions de justice en faveur de l’association illustre une « volonté politique » de s’acharner contre l’association.

Pour une justice indépendante

Le directeur adjoint de la région Mena au sein de l’ONG a également évoqué la liberté de manifestation. La situation dans ce domaine reste « la même » selon le responsable de HRW, qui a remarqué qu’à Laayoune « aucune manifestation des droits de l’Homme ou des mouvements indépendantistes n’a été tolérée ». L’arrestation de membres du Mouvement 20-Février (M20) lors de manifestations syndicales à Casablanca a également été déplorée par le représentant associatif qui a signalé que les procès-verbaux en vertu desquels les militants du M20 ont été condamnés par la justice avaient pourtant été réfutés par ces derniers lors de leur procès.

Au sujet de la Justice, Eric Goldstein considère que l’indépendance de ce pouvoir, prônée par Mohammed VI en 2009, peine à se mettre en place : les procès-verbaux utilisés lors de certaines affaires étant établis sous « la torture, les menaces » ou font l’objet de « falsifications ». Il a également déploré la décision prise par la justice de condamner la militante Wafaa Charaf, qui a déposé plainte pour torture, à deux ans de prison ferme pour fausses accusations. Il estime que cette décision décourage toutes les personnes souhaitant porter plainte pour torture.

Une politique migratoire saluée  

Le tableau n’est toutefois pas entièrement noir pour Eric Goldstein, qui estime que la politique migratoire du royaume fait partie des « points positifs » de l’année 2014. Le représentant de HRW, qui avait été critique du traitement des migrants dans un rapport publié en février 2014, a reconnu les progrès du Maroc dans le domaine de la reconnaissance des migrants et de la politique d’insertion de ces derniers. Le responsable associatif estime que cette politique peut faire du Maroc l’un des « leaders dans le domaine ». Il a également félicité le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) pour son suivi de la politique migratoire.

Le représentant de HRW a également salué l’amendement de l’article 475, qui était détourné pour justifier le mariage des violeurs à leur victime, ainsi que la réforme du Code de justice militaire, qui prévoit la fin des procès militaires pour les civils. Il déplore néanmoins les poursuites en justice entamées contre deux personnes par le tribunal militaire.

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