Ziad Abou Eïn, chargé du dossier de la colonisation au sein de l’Autorité palestinienne, autrefois vice-ministre en charge des prisonniers, est la plus éminente personnalité à décéder dans de telles circonstances depuis de longues années. Cet homme de 55 ans, emprisonné à de nombreuses reprises par Israël, est mort au cours d’une manifestation qui se voulait pacifique contre la confiscation des terres palestiniennes au profit de la colonisation israélienne.
Environ 300 personnes avaient entrepris de marcher du village palestinien de Turmus Ayya, près de Ramallah, en direction de la colonie d’Adei Ad, avec l’intention de planter des oliviers, selon un photographe de l’AFP sur place. Les manifestants ont été arrêtés par un barrage de soldats israéliens qui ont commencé à tirer des gaz lacrymogènes pour les repousser. Les manifestants ont continué à avancer jusqu’à arriver au contact du cordon de soldats. Des soldats ont alors repoussé brutalement Ziad Abou Eïn en l’empoignant au col et à la gorge.
Des témoignages directs ou indirects ont fait état de coups de poing portés à son torse, et même d’un coup de crosse. Mais ils n’ont été confirmés ni par le photographe de l’AFP ni par les différentes images de la scène. Celles-ci montrent une empoignade confuse et véhémente. Une autre vidéo montre un lacrymogène explosant au pied du responsable palestinien, qui semble ensuite respirer à grand peine.
Quelque minutes après, Ziad Abou Eïn s’est affaissé dans l’herbe en se tenant la poitrine, a rapporté le photographe de l’AFP (voir la vidéo ci-dessous). Une soldate israélienne a tenté de lui apporter les premiers secours avant qu’il ne soit emmené à l’hôpital, où il a succombé.
Ses dernières paroles à la presse avant les incidents ont été pour dénoncer « une armée d’occupation qui pratique la terreur et l’oppression« . Les manifestants sont venus « planter des arbres, non pas lancer des pierres ni agresser quiconque » et ont pourtant été pris à partie par les soldats, a-t-il dit. Après le décès, l’armée israélienne a affirmé être intervenue face à des « émeutiers« . Indiquant examiner les circonstances de la mort, Israël a proposé la constitution d’une équipe d’enquête commune.
La coopération en suspens
La mort de Ziad Abou Eïn survient dans un contexte de regain de tensions entre Palestiniens et Israéliens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est depuis l’été. Selon un décompte de l’AFP, une vingtaine de Palestiniens ont été tués depuis fin juin par l’armée israélienne en Cisjordanie. Sa disparition a immédiatement soulevé la question cruciale de la poursuite ou non de la coopération entre la direction palestinienne et Israël dans le domaine de la sécurité en Cisjordanie.
Différentes sources palestiniennes ont indiqué à l’AFP à Ramallah que celle-ci avait été stoppée. Mais aucune confirmation ni aucun démenti officiel n’a été apporté à une telle annonce qui aurait une portée considérable puisqu’elle mettrait fin à la collaboration entre les forces palestiniennes et israéliennes, contre les projets d’attentats anti-israéliens par exemple. Cette coopération est décriée par de nombreux Palestiniens.
Le président palestinien Mahmoud Abbas a dénoncé « l’attaque brutale qui a provoqué la mort » de Ziad Abou Eïn comme un « acte barbare qui ne peut être ni accepté ni toléré« . Il a décrété trois jours de deuil et annoncé une enquête. Les dirigeants palestiniens devaient tenir mercredi à 19H (17H GMT) une réunion extraordinaire. Un certain nombre de participants pourraient y réclamer la fin de la coopération sécuritaire avec Israël, a dit à l’AFP une source proche de la direction palestinienne.
« Le moment est venu de rassembler nos forces face à l’occupation criminelle sioniste et de cesser toute coordination sécuritaire avec l’occupant« , a réagi le Hamas. La Jordanie a dénoncé « un crime de plus sur la liste des crimes israéliens répétés contre le peuple palestinien sans défense« . L’Union européenne a quant à elle réclamé une enquête « immédiate » et « indépendante » sur les circonstances de la mort.
Par Hossam Ezzedine, Abbas Momani /AFP
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