Si vous dites à un observateur qu’il existe deux types de chiffres, politiques et économiques, il vous prendra, au mieux, pour un illuminé, ou au pire pour un nihiliste né. Pourtant, cette distinction est en vogue au Maroc depuis la nuit des temps. La confusion qui règne sur le taux de croissance offre un terrain fertile à ce type de distinction. D’un côté, le gouvernement, optimiste de son état, avance un taux de croissance du PIB de 4,2%, alors que le HCP et Bank Al-Maghrib se cramponnent à une évolution inférieure à 3%. Le point de discorde réside dans le taux de rendement agricole. Ni gouvernement, ni HCP et encore moins BAM ne peuvent maîtriser la contribution de l’agriculture à la croissance avant d’avoir été fixés sur la récolte céréalière. Et à ce niveau, le politique prend le pas sur l’économique.
Si les confidences des professionnels de l’agriculture laissent planer le doute sur le niveau de la récolte, le ministère de tutelle, lui, chante déjà les louanges de l’année agricole en cours. Et c’est à ce stade de l’analyse qu’il faut apprécier l’annonce d’un chiffre éminemment politique. Sans conteste, le fossé est grand entre une récolte de 70 millions de quintaux et une autre ne dépassant guère les 50 millions.
En attendant d’arriver à bon port, le navire de la croissance tangue au rythme capricieux de la pluviométrie. Nous sommes réduits, comme toujours, à attendre les bons vouloirs du ciel. Faute de mieux, maintenir le navire à flot dépend de l’endettement qui s’alourdit, doucement certes, mais sûrement. Et toute la question est de savoir si les générations futures auront une économie assez dynamique pour l’honorer.