Voilà une autre spécificité bien marocaine : la présence de deux types de stratégies, l’une pour le long terme programmée sur une décennie (si ce n’est plus), l’autre dite d’urgence pour les court et moyen termes. Entre les deux, place à la gestion des affaires courantes. Depuis 2001, le Maroc a entamé une série de stratégies de développement sectorielles. Du tourisme à l’industrie en passant par la formation professionnelle, l’agriculture, la pêche, l’éducation, la logistique, l’énergie… la production conceptuelle a été florissante, innovante des fois, mais souvent redondante.
Bien que le pays dispose d’une bibliothèque de stratégies, il n’en profite que rarement, voire jamais. Presque toutes ces stratégies ont connu un doublon dit d’urgence, preuve d’un constat d’échec. Bien entendu, les pontes de la confédération patronale et autre experts autoproclamés imputent ce constat au manque de compétence de l’administration, trop dispersée, mal organisée et peu expérimentée en management de projets. Regardons le problème autrement. La majorité des plans ont été réalisés par des cabinets indépendants. Les pistes que ces derniers proposent sont intéressantes, mais pèchent par excès de zèle : souvent elles ne tiennent pas compte des spécificités marocaines (surtout territoriales, juridiques, voire ethniques) et sont conçues indépendamment de l’outil d’exécution. L’administration se sentant snobée, elle rend la monnaie en faisant ce qu’elle sait faire le mieux : laisser pourrir. La solution ? Un leadership politique et administratif à la hauteur. Les ministres du show vendent bien, certes, mais l’histoire les rattrape souvent. Et la question que chacun doit se poser est celle de savoir où figurer : dans le panthéon ou au fond de la poubelle de l’histoire ?