Les milieux des affaires peuvent enfin souffler. L’amnistie proposée par le gouvernement aux détenteurs de biens et avoirs à l’étranger peut être critiquée, descendue par les politiques. C’est leur métier. Cependant, toutes les personnes un tant soit peu objectives s’accorderont à dire qu’il s’agit d’une excellente nouvelle. D’autant qu’elle tombe à pic, au moment où les recettes de l’Etat se réduisent comme peau de chagrin et où notre matelas de devises est presque à sec. Et, surtout, elle va permettre d’apaiser les tensions entre les milieux feutrés du business et le gouvernement Benkirane, qui a fait, dès son investiture, de la lutte contre le « fassad » son credo. Le très sérieux wali de Bank Al-Maghrib ne s’y est pas trompé en qualifiant ce dispositif d’intelligent. De toute évidence, nous assistons à la fin d’un discours, d’une époque.
Il était temps. Le climat de peur et l’affrontement ne mènent à rien, sauf à compliquer davantage les choses. On l’a testé en 1996 avec la campagne d’assainissement orchestrée par le puissant vizir de Hassan II, Driss Basri, et retesté encore une fois durant les deux premières années Benkirane. Le résultat a toujours été le même : les patrons lèvent la main sur l’investissement, les riches vident leurs comptes et les banquiers ferment les robinets du crédit, grippant au passage toute la machine économique du pays.
En osant déclarer l’amnistie, en faisant sauter ce verrou psychologique, qui plus est porte sur un sujet hautement sensible, le gouvernement montre qu’il a gagné en maturité et qu’il a surtout retenu la leçon : pour bien gouverner un pays, l’appui de la population qui vote est nécessaire mais pas suffisant. « Malline Chekkara » ont aussi leur mot à dire.