Farid Belkahia. Dans l’antre du peintre

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Découverte. L’artiste marrakchi expose une rétrospective de ses œuvres à l’Atelier 21 qui a reconstitué son atelier pour l’occasion. Un dialogue entre ses tableaux et le lieu qui l’inspire.

Plus qu’une exposition, il s’agit d’un hommage à Farid Belkahia. Avec la collaboration de l’architecte et scénographe Philipe Délis, l’Atelier 21 de Casablanca abrite une exposition unique en son genre, sobrement intitulée « L’atelier de Farid Belkahia ». Quand on pénètre dans la galerie, on ne la reconnaît plus. Les murs blancs se sont effacés au profit d’une mise en scène qui suggère l’intimité d’un lieu de création, filmé par Raul Ruiz en 1988. Au-delà de la rétrospective de 60 ans de carrière, c’est la démarche qui est singulière. « L’idée était d’évoquer les lieux plutôt que de les reproduire fidèlement », précise Philippe Délis. C’est-à-dire en extraire l’âme et la greffer à la salle d’exposition.

Histoire d’un parcours

Le choix des œuvres et la mise en scène résultent d’un dialogue entre l’artiste, le scénographe et le galeriste. Les toiles exposées ne sont pas les dernières de Farid Belkahia, on retrouve des teintures sur peau datant du début des années 1990, jusqu’aux imposants Dérive des continents, tableaux circulaires datant de 2004. Le tout est accompagné de peintures réalisées entre les années 1950 et 1980, dont le célèbre Mohammed V dans la lune. « La difficulté était de sélectionner les œuvres les plus parlantes pour retranscrire au mieux son parcours. Nous voulions raconter son histoire à travers cette exposition », raconte Aziz Daki, propriétaire de l’Atelier 21.

L’œuvre de Farid Belkahia est hétéroclite et se refuse à tout étiquetage préétabli. Elle est à la croisée de plusieurs disciplines, entre la peinture, la sculpture et l’installation. Ses créations, pour la plupart de taille imposante, contiennent du relief et font appel à des matériaux locaux, comme la peau ou le henné. L’ambition de la scénographie était de mieux faire ressortir les tableaux de Belkahia. C’est pour cela que les photos de son atelier marrakchi, affichées en taille réelle sur les murs de la salle d’exposition, ont été imprimées en monochrome pour ne pas créer de redondance avec les couleurs des tableaux. « L’esprit de l’atelier se présente en filigrane, il est là, omniprésent, comme un fantôme, et sait se mettre en retrait pour laisser les œuvres parler », explique Philipe Délis.

Un désordre organisé

Sur ces photos, l’atelier de Belkahia apparaît dans son état le plus brut, sans mise en scène préalable, avec ses tableaux, ses outils de dessin éparpillés. Un désordre ordonné qui nous plonge à la source de création de l’artiste et nous en dévoile les secrets. L’atelier du peintre est une caverne où matériaux se mêlent aux instruments pour donner naissance à des œuvres personnelles, souvent organiques par leurs formes et les techniques utilisées.

« L’idée de l’exposition était de travailler sur une maquette qui se réajusterait progressivement, avant d’arriver à un résultat final. Le projet a pris plusieurs mois », confie Farid Belkahia. Le défi était d’autant plus grand que l’artiste a toujours eu du mal à se séparer de ses œuvres, il a constamment besoin de leur présence pour mieux créer. Certaines toiles présentées à l’Atelier 21 ont quitté son atelier pour la première fois.

A travers cette exposition, on réalise que l’atelier est le prolongement de l’artiste, qu’il narre un vécu, un processus de création qui peut être ponctué de nombreuses tentatives avant d’arriver au résultat escompté. Les parois de l’atelier dissimulaient quelque chose d’intime que l’exposition nous dévoile désormais : le privilège de découvrir le cheminement créatif de Belkahia quand il est seul face à la toile.

 L’atelier de Farid Belkahia », Atelier 21  à Casablanca, jusqu’au 20 janvier.

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