Zakaria Boualem l’a très mal pris. Précisons d’entrée qu’il n’avait évidemment pas l’ambition de gagner la Coupe d’Afrique, mais juste de battre la Tunisie. Même ce plaisir lui aura été refusé, il a aussitôt plongé dans un état d’hébétude totale, victime d’une sorte de choc émotionnel d’une valeur un peu absurde sur l’échelle de Palermo. (l’échelle de Palermo, du nom d’un joueur argentin ayant loupé trois pénalty dans le même match, mesure la puissance du sentiment de colère, de désespoir et de haine de soi footballistique chez un supporter le soir d’une déroute). Bref, il a parlé des heures et des heures avec ses amis, pour essayer de comprendre non pas pourquoi nous n’étions pas bons, mais pourquoi nous étions aussi mauvais. Cette aberration économique résiste à toutes les analyses. Dans ces discussions a été évoqué un nombre hallucinant de paramètres sans pouvoir construire un raisonnement qui résiste au contre- exemple. C’est d’ailleurs la complexité du football qui autorise toutes les interprétations sans trembler. Zakaria Boualem estime qu’il faudrait convoquer des sociologues, des météorologues, des psychiatres, des économistes et des linguistes pour nous expliquer ce qui se passe depuis des années. En attendant, il va vous livrer sa solution. Oui, il a une solution. Elle ne sera pas appliquée, bien entendu, et c’est tant mieux car elle serait sans doute inefficace, mais le fait de vous la présenter le défoule, et en plus il fait ce qu’il veut dans cette page et merci. C’est parti.
Point un : notre équipe nationale est faible quels que soient la nationalité et le salaire des entraîneurs. Seule une manœuvre du félon algérien nous a laissé croire le contraire. En s’inclinant volontairement quatre à zéro, ils ont sciemment déclenché une vague d’enthousiasme artificiel qui, en retour, nous plonge dans la dépression pendant qu’ils ricanent. Ce plan est manifestement l’œuvre de traîtres professionnels.
Point deux : nous n’aurons une bonne équipe nationale que si nous avons un bon championnat. Non pas en vertu de considérations génétiques ou culturelles, mais juste parce que la manne des binationaux va se tarir, et parce que c’est logique qu’on forme des joueurs au Maroc pour les faire jouer pour le Maroc.
Solution : Zakaria Boualem commence par virer tout le monde, Gerets, ses adjoints, Verbeek et les siens dans la foulée. ça ne règle aucun problème mais ça défoule. On file, en attendant, l’équipe nationale à Skitioui, il ne fera pas pire. On dégage ainsi chi 500 millions par mois (oui, c’est le moment de passer aux centimes, ça fait encore plus peur). Ensuite, on réduit la première division à douze clubs. Pourquoi douze ? Parce qu’il y a douze mois dans l’année. Chaque mois un des douze clubs reçoit ces 500 millions, et on leur colle chacun un auditeur allemand pour suivre l’affectation de ce budget. Un type en acier chromé, qui ne parle pas, armé d’un silencieux et qui aura tous les outils technologiques pour la traçabilité des fonds, y compris des puces GPS sur les billets de banque. Ensuite, Zakaria Boualem multiplie les droits télé par quatre, voilà. Déjà qu’ils se foutent de notre gueule, il n’y a aucune raison particulière pour qu’ils gagnent de l’argent en plus. On affectera à la surveillance de ce budget des auditeurs autrichiens, c’est-à-dire une version dégradée des Allemands en plus teigneux. Avec tout cet argent reversé aux clubs, en plus de leurs sponsors classiques et d’une interdiction de jouer dans les pays du Golfe, on devrait voir revenir les Chippo, Bassir, Naybet, Camacho et Lakhlej dans notre championnat. Voilà. En passant, on demande à tous les promoteurs immobiliers de construire un terrain de quartier chaque fois qu’ils terminent cinq immeubles, et si dans cinq ans ça ne marche toujours pas, on sous-traite le foot aux Espagnols comme les ordures et on essaye cette nouvelle piste.
Si vous êtes encore là, vous avez du mérite. Soyez-en remerciés, tout comme mon ami Taieba qui a largement contribué à dégager les grandes lignes de ce plan délirant. Salut.