Zakaria Boualem et les chats de l’hôpital

Par Ecalamy

Salut à vous, et bon ramadan les amis. Vous avez bonne mine, ça fait plaisir. Zakaria Boualem vous envie presque, lui qui souffre beaucoup de la soif au moment même où il s’exprime ici. Il a toutefois trouvé l’énergie suffisante pour s’intéresser à l’affaire de cet acteur américain, Dominic Purcell, victime d’un petit accident de tournage à Ouarzazate. Ce bel homme avait alors confié aux journalistes qu’à l’hôpital de cette riante cité, il avait été surpris par la saleté des lieux, ainsi que par la présence de chats dans les couloirs. On peut le comprendre, il n’y a que nous dans le monde pour trouver cela normal, en fait. Il a fini par être transporté à Casablanca où, dit-il, il a reçu d’excellents soins, al hamdoullah. Dans le privé, bien entendu. Ce qui est drôle, c’est la réponse d’un noble représentant du très officiel ministère de la Santé, qu’on peut en gros résumer par : “C’est faux, il n’y a pas de chat”. Soit. À la lecture de cette petite histoire, voici en vrac ce que le Zakaria Boualem souhaite exprimer – ne lui en demandez pas trop, le ramadan est entré en lui.

Premier point. Les Marocains, paraît-il, aiment laver leur linge sale en famille. Ils se vexent lorsqu’un étranger critique le Maroc, ou met en évidence avec cruauté et malveillance quelques failles (légères et forcément passagères) relevées au cours de son déplacement dans le plus beau pays du monde. Soit. Mais en même temps, nos glorieuses autorités ne répondent jamais aux interjections de leurs concitoyens : seuls l’étranger et sa capacité d’attaquer notre plus précieux capital – notre image – les font sortir de leur léthargie. Le représentant du ministère de la Santé ne le sait peut-être pas, mais il y a de nombreuses pages Facebook consacrées à la saleté dans les hôpitaux. Seul le respect de votre système digestif me retient de vous décrire les abominations qui y sont présentées. Disons que les chats sont la chose la plus mignonne qu’on y trouve, le reste appartient au registre de l’horreur. Or, aucune réaction du ministère. Des millions de Marocains peuvent geindre, ils n’auront jamais l’impact d’un acteur américain. D’où la conclusion : ce pays ira beaucoup mieux le jour où les Marocains y seront considérés comme importants.

Second point. Maintenant qu’on est entre nous, qu’aucun acteur américain ne nous lit, alors on peut le dire : il y a bien des chats dans les hôpitaux. Le représentant du ministère peut protester pour protéger l’image du pays, mais nous, nous savons ce qu’il en est. Des chats, donc (restons soft). Ce n’est pas le plus étonnant. Non, le plus grave, c’est que nous nous y soyons habitués. Ce n’est pas considéré comme quelque chose de normal, mais comme une anomalie banale. Voilà où nous en sommes. La lente dégradation de nos services publics et de tous nos standards de qualité est donc un process sans fin. On pourrait demain découvrir des rats qui traversent le studio de la RTM ou une mou9ata3 qui s’effondre sous l’effet d’un coup de tampon brutal et nous ne serions pas vraiment étonnés. Nous nous attendons à tout, n’importe quand, parce que nous savons que tout est possible. Nous sommes tellement blasés que nous ne grognons même pas, c’est affreux.

Troisième point. Nous avons chez nous des organismes qui ne font pas leur boulot et qui sont financés par l’argent public, qui travaillent tellement peu et tellement mal que leur valeur ajoutée est inexistante. Je vous laisse chercher les exemples tout seuls, il y en a plein al hamdoullah. Et pourtant, ils continuent, année après année, à proposer leur production médiocre. Et nous continuons de les financer, comme si tout allait bien. C’est déstabilisant ce truc, non ? Ou peut-être est-ce normal, en fait, et c’est Zakaria Boualem qui est anormal ?

Voilà, il ne peut pas en dire plus. La harira l’attend, il verra le monde d’un meilleur œil dans une douzaine de minutes à peine. Et merci.