Pedro Sánchez en passe d’être reconduit à la tête d’une Espagne divisée

Pedro Sánchez va obtenir ce jeudi la confiance des députés espagnols pour rester à la tête d’un pays profondément divisé face à sa décision de concéder une loi d’amnistie aux indépendantistes catalans en échange de leur soutien.

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Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez. Crédit: AFP

Au pouvoir depuis 2018, le socialiste est assuré d’obtenir 179 voix lors d’un vote prévu a priori à la mi-journée, un nombre supérieur à la majorité absolue fixée à 176. Une fois investi par les députés, Sánchez pourra former dans les jours à venir un nouveau gouvernement avec ses alliés de la coalition d’extrême gauche Sumar, mettant fin à près de quatre mois de blocage depuis les élections législatives du 23 juillet.

Arrivé deuxième de ce scrutin derrière son rival conservateur Alberto Núñez Feijóo, le Premier ministre a dû négocier tous azimuts ces dernières semaines pour sceller des accords avec plusieurs formations régionalistes, dont le soutien s’avère crucial faute de majorité claire au Parlement.

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez et Alberto Núñez Feijóo, lors du face à face à la veille des élections législatives espagnoles.Crédit: DR

Il a en particulier dû discuter avec le parti de l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, leader de la tentative de sécession de la Catalogne en 2017, qui a fui en Belgique il y a six ans pour échapper aux poursuites judiciaires lancées à son encontre.

Acceptant, après d’intenses tractations, de soutenir la reconduction de Sánchez, Puigdemont a obtenu des socialistes l’adoption prochaine d’une loi d’amnistie pour des centaines d’indépendantistes poursuivis par la justice, qui lui permettra de revenir en Espagne.

Exposant aux députés les priorités de son nouveau mandat, Pedro Sánchez a défendu mercredi la nécessité et la constitutionnalité de cette mesure, à laquelle il était pourtant opposé par le passé. Cette amnistie est nécessaire pour “refermer les blessures” ouvertes par la crise de 2017, a déclaré le Premier ministre, en assurant vouloir garantir “l’unité de l’Espagne par la voie du dialogue et du pardon”.

Le Parti populaire (PP) de Feijóo accuse le socialiste d’avoir concédé cette mesure uniquement dans le but de se maintenir au pouvoir et agite le risque que l’Espagne ne se retrouve dans le viseur de l’UE, à l’instar de la Hongrie ou de la Pologne, en raison de l’atteinte à l’État de droit que constitue selon lui l’amnistie.

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Rejetée, selon plusieurs sondages, par une majorité des Espagnols, cette amnistie a fait descendre dans la rue des centaines de milliers de personnes dimanche, à l’appel du PP. Une nouvelle mobilisation est prévue samedi à Madrid.

Les rassemblements quotidiens, devant le siège du Parti socialiste à Madrid, de l’extrême droite ont par ailleurs régulièrement dégénéré depuis la semaine dernière. Mercredi soir, 15 personnes ont encore été interpellées pour troubles à l’ordre public après de nouvelles échauffourées avec la police, selon la préfecture.

En raison de ces tensions, plus de 1600 policiers ont été de nouveau déployés jeudi autour du Parlement, totalement bouclé depuis mercredi par les forces de l’ordre. Un dispositif équivalent à celui d’un match de football classé à haut risque. Dans ce contexte, Sánchez a appelé l’opposition à ne pas “profiter de cette situation pour mettre le feu à la rue”.

Signe que la majorité hétérogène rassemblée par le socialiste s’annonce instable, Mertxe Aizpurua, la représentante de Bildu, a averti que le vote favorable de sa formation, qui est considérée comme l’héritière de la vitrine politique de l’organisation séparatiste basque ETA, n’était pas “un chèque en blanc”.

Malheureusement, le gouvernement devra être reconduit mois après mois”, en fonction des intérêts des différentes formations le soutenant, a dénoncé Feijóo, selon qui Pedro Sánchez ne sera pas dans les faits vraiment “aux commandes” de l’exécutif.