Fête du Trône : les 10 enseignements à relever du discours royal

Maroc post-Covid, réforme de la Moudawana, généralisation de la protection sociale, flambée des prix, captation des IDE, Algérie… Depuis le Palais de Rabat, le roi Mohammed VI a abordé plusieurs axes de sa politique à l’occasion de la Fête du Trône. Dix points essentiels à retenir de son discours.

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Le roi Mohammed VI. Crédit: Palais royal / AFP

Avec le prince héritier Moulay El Hassan à sa droite et le prince Moulay Rachid à sa gauche, le roi Mohammed VI a prononcé ce samedi 30 juillet au Palais royal de Rabat, le discours du 23e anniversaire de son accession au trône. Entre sujets nationaux et conjoncture internationale, chantiers sociaux ou relations de bon voisinage, dix points marquants ont traversé le discours royal.

1. Un royaume “résilient”

Le roi situe ce 23e anniversaire de son accession au trône dans un “un contexte agité où la crise due à la pandémie Covid-19 et les transformations de l’environnement international continuent à se répercuter sur l’économie nationale”. Les défis internes et externes ne pourront être relevés “que si nous allions esprit d’initiative et résilience”, a souligné le souverain en guise d’introduction de son discours.

2. Vers une révision de la Moudawana ?

Deuxième message véhiculé par le discours royal, un appel explicite à une révision du Code de la famille, l’une des réformes phares du début du règne de Mohammed VI. Après plus d’une décennie, le roi a souligné la nécessité de revoir certaines de ses dispositions. “L’esprit de la réforme ne consiste pas à octroyer à la femme des privilèges gracieux, mais, bien plus précisément à lui assurer la pleine jouissance des droits légitimes que lui confère la loi. Dans le Maroc d’aujourd’hui, il n’est en effet plus possible qu’elle en soit privée”, a notamment déclaré le souverain.

Et de livrer son constat : “Dans un premier temps, le Code de la famille a représenté un véritable bond en avant ; désormais il ne suffit plus en tant que tel. L’expérience a en effet mis en évidence certains obstacles qui empêchent de parfaire la réforme initiée et d’atteindre les objectifs escomptés.

3. Égalité des genres : un personnel de justice en “décalage”

La réforme souhaitée par Mohammed VI commence par “l’opérationnalisation des institutions constitutionnelles concernées par les droits de la famille et de la femme”. Le souverain demande en ce sens “que soient mis à jour les dispositifs et les législations nationales dédiés à la promotion de ces droits”.

Dans le diagnostic royal, figure notamment l’application incorrecte du Code en raison de divers facteurs sociologiques. “L’un d’eux tient notamment à la propension tenace d’une catégorie de fonctionnaires et d’hommes de justice à considérer que le Code est réservé aux femmes”, précise le discours royal.

De 2004, année de promulgation de la nouvelle Moudawana, à nos jours, il convient désormais de “dépasser les défaillances et les aspects négatifs révélés par l’expérience menée sur le terrain et, le cas échant, de refondre certaines dispositions qui ont été détournées de leur destination première”, proclame le souverain.

4. Pouvoir spirituel et enceintes judiciaires

En sa qualité d’Amir Al-Mouminine, Mohammed VI affirme dans son discours à la nation : “Je ne peux autoriser ce que Dieu a prohibé ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé, en particulier sur les points encadrés par des textes coraniques formels.

Chef du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), le roi a appelé à la généralisation des tribunaux de la famille à l’échelle des régions du pays, “qu’ils soient dotés de ressources humaines qualifiées et que leur soient affectés les moyens matériels nécessaires à l’accomplissement efficace de leur mission”.

5. Les contours d’un État social

Mohammed VI s’est félicité des efforts des pouvoirs publics dans la lutte contre les effets de la pandémie du Covid-19. La gratuité des vaccins aux Marocains ainsi qu’aux étrangers résidents se conjugue alors à l’entame de mise en œuvre de deux projets portés par l’Exécutif. Il s’agit respectivement de la généralisation de la protection sociale et de la mise à niveau du système de
santé.

Nous avons également lancé plusieurs projets qui visent à atteindre la souveraineté sanitaire et à assurer la sécurité et la sûreté des citoyens”, a expliqué le roi avant d’exposer quelques objectifs chiffrés.

D’ici la fin d’année, il y aura franchissement la barre des six millions d’adhérents bénéficiant de l’AMO. Le chantier de la couverture sanitaire obligatoire sera parachevé dans cette même échéance, s’élargissant aux bénéficiaires du RAMED. À la fin de 2023, “Nous sommes résolu à mettre en œuvre le projet de généralisation graduelle des allocations familiales, conformément au planning arrêté”, a insisté le monarque.

La protection sociale bénéficiera ainsi à “environ sept millions d’enfants, en particulier à ceux qui appartiennent à des familles pauvres ou en situation de précarité et à trois millions de ménages n’ayant pas d’enfants en âge de scolarité”. À cette fin, le roi appelle à “l’opérationnalisation diligente” du Registre social unifié (RSU).

6. Inflation, sécheresse et compensation

Les efforts concertés de l’État et des secteurs public et privé ont permis à l’économie nationale de résister aux crises et aux soubresauts et de réaliser ainsi des résultats concluants dans les différentes filières de production”, a déclaré Mohammed VI. Un état des lieux qualifié tout de même d’“éphémère” dans le discours, vu la conjoncture internationale.

Outre une modeste campagne agricole, des facteurs exogènes ont entraîné une envolée des prix de certains produits de première nécessité”, a retenu le souverain, tout en rappelant le lancement d’“un programme national pour atténuer l’impact de la sécheresse sur les agriculteurs et sur la population rurale”.

Dans ce cadre précis, le roi a également évoqué ses directives au gouvernement “pour qu’il alloue des crédits importants à la subvention de certains produits de base et pour qu’il assure l’approvisionnement des marchés en ces produits”. S’agissant de l’enveloppe financière dédiée à cette mission, Mohammed VI est revenu sur le rôle de la Caisse de compensation. En 2022,
l’établissement public a doublé son budget, excédant ainsi les 32 milliards de dirhams.

7. De l’opportunisme aux dérives du marché

Un appel royal à “la consolidation des mécanismes de solidarité nationale, à la lutte déterminée et responsable contre les spéculations et la manipulation des prix”. En dépit de la conjoncture internationale, le chef d’État souhaite que le pays reste focalisé sur ses atouts.

Nous devons aussi tirer le meilleur parti des opportunités et des perspectives ouvertes par ces mutations pour drainer plus d’investissements, stimuler les exportations, promouvoir le produit national”, a-t-il préconisé en ce sens.

8. La course aux IDE

Le gouvernement ainsi que les sphères politique et économique devraient “offrir plus de facilités aux investissements étrangers qui, en cette conjoncture internationale, choisissent notre pays”. Pour y parvenir, il conviendrait d’“éliminer tout obstacle qu’ils (les investisseurs étrangers, ndlr) peuvent rencontrer”.

Le monarque estime que “le plus grand péril pour le développement du pays et pour la promotion des investissements réside dans les entraves dressées à dessein par certains pour préserver leurs propres intérêts et réaliser des profits personnels”. Instruction du roi : “Ces agissements doivent être combattus.

9. Marocains et Algériens, peuples frères

Entre voisins, “les frontières qui séparent le peuple marocain et le peuple algérien frère ne seront jamais des barrières empêchant leur interaction et leur entente”, a notamment déclaré Mohammed VI, qui a consacré une partie de son discours aux relations bilatérales Rabat-Alger.

Sans équivoque, le roi exhorte les Marocains à “préserver l’esprit de fraternité, de solidarité et de bon voisinage qui les anime à l’égard de nos frères algériens”, tout en assurant ces derniers qu’“en toute circonstance, le Maroc et les Marocains se tiendront toujours à leurs côtés”. Et d’émettre une mise au point : “Les allégations selon lesquelles les Marocains insulteraient l’Algérie et les Algériens sont le fait d’individus irresponsables qui s’évertuent à semer la zizanie entre les deux peuples frères.

10. Une nouvelle main tendue

Dans une logique de “main tendue” réitérée à l’occasion de ce nouveau discours, Mohammed VI s’est adressé au leadership d’Alger : “Nous aspirons à œuvrer avec la présidence algérienne pour que le Maroc et l’Algérie puissent travailler, main dans la main, à l’établissement de relations normales entre deux peuples frères, unis par l’Histoire, les attaches humaines et la communauté de destin.

En dépit des tensions palpables entre les deux pays voisins, ce dernier message à forte portée diplomatique a constamment figuré dans les discours du Trône depuis quelques années. Fin juillet 2021, Mohammed VI s’adressait ainsi au peuple algérien : “Vous n’aurez jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc qui n’est nullement un danger ou une menace pour vous. En fait, ce qui vous affecte nous touche et ce qui vous atteint nous accable.

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