Conseil de la concurrence : le marché du transport par bus dominé par Alsa et City Bus

Suite à la tenue de la 24e session de formation plénière tenue le 28 avril, le conseil de la concurrence a rendu public son avis, sur le fonctionnement concurrentiel de la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain par autobus au Maroc. Voici ce qu’il faut en retenir.

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En décrochant le contrat de Casablanca, Alsa a creusé l’écart avec City Bus, qui n’est présent que dans deux villes importantes. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

Cet avis s’articule autour de cinq chapitres, le premier traitant du cadre général de la saisine d’office pour avis ainsi que de la synthèse des auditions organisées par le Conseil de la concurrence. Le chapitre qui suit traite de la régulation du marché de la gestion déléguée du transport public par autobus, passant par le cadre juridique de cette régulation.

Le troisième chapitre s’intéresse à l’analyse concurrentielle du fonctionnement de ce marché. Les deux derniers chapitres traitent respectivement des conditions d’accès à ce marché, puis des expériences internationales de différents pays, notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas, Israël et l’Afrique du Sud, dans la gestion du transport public urbain.

Un arsenal juridique “inachevé”

Le conseil de la concurrence rappelle ainsi le niveau élevé d’encadrement de ce secteur par un arsenal de textes juridiques divers et variés. Cependant, cet arsenal est qualifié d’“inachevé”, ce qui a conduit les autorités délégantes à s’appuyer sur les dispositions réglementaires régissant les marchés publics pour lancer leurs appels d’offres et sélectionner le concurrent adjudicataire, indique l’avis.

Cette même source indique également que la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain a révélé que la création de sociétés de développement local (SDL) non contrôlées directement par l’autorité délégante pour réguler le transport, n’a pas permis de mettre fin à la multiplicité des acteurs dans ce modèle de régulation. “Bien au contraire, ce modèle a amplifié l’asymétrie d’informations et a créé des problèmes de coordination, de gouvernance entre les acteurs, tout en diluant les responsabilités et en entraînant des coûts de fonctionnement alourdissant les coûts d’exploitation.”

Un niveau de concentration élevé

De plus, l’analyse concurrentielle du conseil a permis de conclure que ce marché se caractérise par un niveau élevé de concentration, où les deux premières sociétés Alsa et City Bus ont une part de marché cumulée se situant entre 80 et 90 % durant la période 2018-2020, avec une dominance nette de la société Alsa qui a vu sa part de marché passer de 50 à 70 %.

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Une concentration qui s’explique par trois facteurs :

  • Premièrement, des barrières à l’entrée très élevées, édictant des conditions techniques et financières d’accès qui favorisent les grandes entreprises, empêchent l’arrivée de nouveaux entrants et excluent totalement l’innovation et la créativité comme critères de sélection.
  • Ensuite, un nombre réduit d’appels d’offres portant sur des contrats de gestion de longue durée se situant entre 10 et 15 ans, qui sont généralement prolongés par avenant en faveur de l’opérateur exploitant.
  • Enfin, il s’agirait également d’un faible taux de participation des opérateurs aux appels d’offres des grands centres urbains en raison de leurs capacités techniques et financières limitées. De même, le coût de réponse aux appels d’offres contraint les opérateurs de taille moyenne à ne participer qu’à un nombre limité, du fait de leurs coûts irrécupérables.

Recommandations

Suite aux analyses du secteur et aux conclusions tirées, le conseil de la concurrence a émis plusieurs recommandations. Elle propose ainsi de revoir le statut et le cadre juridique régissant les sociétés de développement local (SDL), en vue de professionnaliser ces entités et leur donner les moyens juridiques et matériels pour jouer pleinement leur rôle de régulateur de ce marché.

Le conseil propose également de régionaliser la Stratégie nationale de la mobilité urbaine et d’accorder plus de pouvoirs aux autorités délégantes dans la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain en termes de planification, de contrôle et de financement. Un renforcement qui ne peut que renforcer la gouvernance régionale de la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain.

Il s’agit aussi d’établir une grille d’évaluation actualisée des offres, basée sur des critères objectifs focalisés davantage sur le business plan des soumissionnaires au lieu de la grille d’évaluation notée essentiellement sur les tarifs qui ne seraient plus les seuls éléments de compétition. Il est essentiel également de changer la nature des contrats de gestion déléguée, en passant de contrats à logique de “flux financiers” à des contrats orientés objectifs (qualité de service, taux couverture du territoire, etc.), où un score de qualité des services des opérateurs est inclus comme critère d’attribution de l’appel d’offres.

Le conseil suggère une implémentation systématique dans les contrats du principe de transparence et de liberté d’accès à l’information par les acteurs du marché

Le conseil recommande dans le même sens de préciser au préalable à tout appel à la concurrence le degré de partage des risques industriels et commerciaux, et du coût de l’investissement global entre le délégant et le délégataire, tout en préservant les mécanismes de maintien de l’équilibre financier du contrat de gestion déléguée, en tenant compte des impératifs de service public et de la juste rémunération du délégataire.

Le conseil suggère aussi une implémentation systématique dans les contrats du principe de transparence et de liberté d’accès à l’information par les acteurs du marché, mais aussi, l’ouverture d’un débat public sur une éventuelle réforme du mode de régulation au niveau de l’État et en collaboration avec les autorités locales, afin de modifier la loi organique relative aux collectivités territoriales, pour mieux définir le rôle et les compétences des SDL dédiées à la gestion du transport public urbain.

Enfin, le conseil préconise la mise en place d’un cadre juridique adéquat en vue d’intégrer l’intermodalité entre les différents modes de transport public en commun (bus, tramways…), et promouvoir la multi modalité et l’intégration tarifaire entre les différents modes de transport, ainsi que la prévision dans les clauses des contrats que l’entreprise délégataire peut soumissionner aux appels d’offres internationaux en tant qu’entité indépendante disposant de ses propres références techniques et financières.