Aujourd’hui, près de 60% des citoyens marocains, voire plus dans certaines villes, sont contraints de se déplacer à pied, parfois sur de longues distance, en l’absence de transports publics suffisants et de stratégie en matière de mobilité durable. C’est le constat établi par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un avis sur la mobilité durable, rendu public le 21 septembre.
“Une des principales carences concerne la quasi-absence d’une politique-stratégie de la marche non contrainte, la circulation à vélo, sans et avec assistance électrique (VAE), en cyclomoteur ou encore intégrant les nouveaux engins de déplacement personnel motorisés (trottinette, hoverboard, gyropode, etc.), dans des conditions de sûreté et de sécurité optimales”, note l’institution présidée par Ahmed Reda Chami.
Ainsi, de nombreux écoliers, travailleurs à revenus modestes, femmes, etc., pratiquent la marche contrainte dans le milieu urbain et rural. “Cette carence ne concerne pas seulement les moyens de transport eux-mêmes, mais comprend aussi les aménagements infrastructurels nécessaires (voies piétonnes, pistes cyclables, aires de stationnement, signalétique, sécurité, respect des réglementations, etc.)”, souligne le CESE.
Toutes les régions concernées
Zones urbaines denses ou aires rurales enclavées, périphéries ou villes nouvelles, cette carence concerne toutes les régions du royaume, y compris les plus riches et peuplées comme celle de Casablanca-Settat, qui concentre 20% de la population et représente 30% du PIB, mais où la majorité des déplacements continuent à se faire à pied (à peu près 62%). La part des transports en commun (autobus et tramways) s’élève à seulement 12% dans la région, et elle est de près de 13% pour les voitures individuelles et de 9% pour les taxis, précise le CESE.
Et pourtant, les besoins en mobilité montent en flèche, à mesure que la population croît. Au niveau de l’agglomération de Casablanca par exemple, 15 millions de déplacements par jour sont prévus à l’horizon 2030 contre 11 millions en 2020, et 1,3 million de voitures en 2030 contre 320 000 en 2020. Mais tout miser sur l’élargissement du parc automobile n’est pas une solution, pour le CESE : “Si le véhicule particulier continue à s’imposer comme ultime recours pour se déplacer, une telle situation ne serait ni économiquement soutenable, ni socialement équitable, ni écologiquement vivable”, rappelle-t-il.
Autre point noir qui freine le développement d’une mobilité durable : les transports en commun, en plus d’être insuffisants, souffrent d’une gouvernance archaïque, notamment dans le secteur des taxis, et d’un manque de sécurité, de propreté et d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. “Les tramways, les bus à haut niveau de service (BHNS) et le train à grande vitesse, représentent aujourd’hui une alternative durable et accessible pour ces usagers”, estime le CESE, qui appelle à développer ces moyens de transport.
L’institution émet ainsi un certain nombre de recommandations, comme l’adoption d’un plan national et des programmes régionaux pour la mobilité active, pour promouvoir la marche non contrainte et le vélo, dans des conditions de sécurité optimales, avec une mise à niveau du Code de la route. Mais également le déploiement d’infrastructures techniques durables, comme les stations et bornes de recharge électriques, ou l’encouragement d’alternatives durables au véhicule personnel et au moteur thermique.