Ce qui a été annoncé : Après s’être réunie le 7 avril, la Fédération nationale des propriétaires, commerçants et gérants des stations-service au Maroc (FNPCGS) a appelé, lundi 11 avril, toutes les associations régionales affiliées à entamer une grève nationale, au cas où le ministère de tutelle ne répond pas à leurs revendications.
La FNPCGS a également appelé le département de Benali à ouvrir un dialogue avec les professionnels du secteur en vue d’étudier les issues possibles de cette situation inédite, en préservant l’intérêt de ces derniers et en les aidant à faire face à cette hausse inédite des prix.
Pourquoi cela compte ? En cas de négligence par le gouvernement de ses revendications, la Fédération envisage la mobilisation de plus de 70 % des stations-service, à travers ses 15 associations régionales dans tout le royaume. « Nous ne visons pas l’intérêt des citoyens par cette grève mais plutôt le gouvernement ayant adhéré au mutisme face à nos revendications », nous explique une source de la FNPCGS.
Le contexte : Cet appel à la grève intervient pour protester contre la hausse inédite des prix des carburants et la négligence du ministère de tutelle. En effet, « la Fédération a écrit à la ministre de la transition énergétique et du développement durable Leila Benali, à trois reprises, l’appelant à ouvrir un dialogue avec les professionnels, en vain », nous confie le secrétaire général de la FNPCGS, Reda Nadifi.
La Fédération porte trois revendications majeures : l’ouverture du dialogue avec le gouvernement et la mise en place des textes réglementaires relatifs à la loi des hydrocarbures promulguée en 2016, sous le gouvernement Benkirane, ainsi que l’exonération de la taxe minimale (calculée sur la base du chiffre d’affaires, progressant lors de la hausse des prix des carburants, alors que la marge bénéficiaire demeure la même).
Par ailleurs, les propriétaires, commerçants et gérants des stations-service se plaignent de la flambée inédite des tarifs des carburants, précisant que leurs marges bénéficiaires stagnent, en dépit du chiffre d’affaires. « Le prix d’un camion-citerne de carburant est passé de 300.000 dirhams à 450.000 dirhams », ajoute Reda Nadifi.
La situation avant : Après la libéralisation du marché des hydrocarbures à partir 2015, et la promulgation en 2016 de la loi n°67-15 sur les hydrocarbures, le gouvernement avait promis de sortir les textes réglementaires liés à cette loi, visant à gérer les relations entre les différents acteurs du secteur, notamment les dirigeants des stations-service et les sociétés des carburants. Depuis, ces textes n’ont toujours pas vu le jour, explique Nadifi.
Pour la Fédération, ce retard « injustifié » serait en faveur des sociétés, en dépit des propriétaires des stations-service. « D’ailleurs, les circonstances et conditions de la préparation et de l’examen de la loi en 2015, étaient en faveur des sociétés des carburants, mais cela a été vite rattrapé par les deux derniers gouvernements, ce qui n’est plus le cas avec l’Exécutif actuel », explique la même source.
Qu’est-ce que la loi 67-15?
Jugée comme bonnet d’âne par les propriétaires des stations-service, la loi 67-15 est le texte ayant libéré et privatisé complètement le marché des carburants, notamment l’importation, l’exportation, le raffinage, la reprise en raffinerie, le stockage et la distribution des hydrocarbures.
Adoptée par le conseil de gouvernement du 29 octobre 2015, la loi 67-15 est intervenue pour modifier et compléter le Dahir portant loi n°1-72-255 sur les hydrocarbures.
Pour le ministère de l’Energie et des Mines (sous l’ère Abdelkader Amara), cette loi s’inscrit dans un cadre de « libéralisation du commerce ayant débuté depuis les années 90 » et intervient suite à la fin de la convention entre l’Etat et la Société anonyme marocaine de l’industrie du raffinage (SAMIR) en décembre 2007.
Etant l’un des actionnaires principaux dans les sociétés du secteur pétrolier (SAMIR, Société chérifienne des pétroles…), l’Etat régulait le marché et assurait indirectement le contrôle de la qualité des hydrocarbures raffinés. Désormais, le raffinage, l’importation et la distribution de ces produits ont été confiés aux opérateurs privés.
Selon la note de présentation de la loi, le contrôle de la qualité des produits pétroliers et la garantie de la disponibilité des hydrocarbures raffinés ou du gaz naturel carburant dans les stations-services ou de remplissage, ont donc été confiés à l’autorité gouvernementale chargée de l’énergie (actuellement, le département de Leila Benali).
Ce qui été dit à ce sujet : Contacté par TelQuel, le ministère de tutelle n’a pas répondu à nos sollicitations au sujet du contenu du communiqué de la Fédération.
Pour en savoir plus : Durant la période entre 2016 et 2020, les distributeurs de pétrole au Maroc ont engrangé 38,5 milliards de dirhams, ce qui a été qualifié de pratiques anticoncurrentielles, ayant suscité beaucoup d’interrogations sur l’action du Conseil de la concurrence. Récemment, les tarifs du gasoil ont atteint des niveaux sans précédents devançant, pour la première fois, ceux de l’essence.