Ouarzazate : une victime de viol condamnée pour “homosexualité”

Un muezzin de la région de Ouarzazate vient d’être condamné à 8 ans de prison pour homosexualité et attentat à la pudeur avec violences sur mineur de moins de 18 ans. La victime, elle, écope de 6 mois de prison pour homosexualité, en vertu de l’article 489 du Code pénal. Un verdict qui interroge. 

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Image d'illustration. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Viols, sextortion, agression sexuelle par une personne du même sexe et victime sur le banc des accusés… l’affaire de Ouarzazate, révélée par nos confrères d’Hespress, est un enchevêtrement juridique qui soulève de nombreuses questions. Dans un récent verdict rendu par la Cour d’appel de Ouarzazate, un muezzin d’une des mosquées de la communauté d’Amsamarir, dans la province de Tinghir, a été reconnu coupable d’“homosexualité” et d’“attentat à la pudeur avec violences contre un mineur de moins de 18 ans”.

La victime, un jeune homme dont l’âge n’a pas été communiqué, mais qui était vraisemblablement mineur au moment des agressions, a été, elle, condamnée à 6 mois de prison pour homosexualité. Deux autres hommes, liés à la victime, ont écopé d’un an d’emprisonnement pour avoir filmé les actes et tenté de faire chanter l’agresseur. 

“Situation aberrante”

“D’un point de vue légal, la situation est en réalité très anormale, voire aberrante. Cela met en lumière un problème de longue date : que ce soit dans des affaires de violences sexuelles impliquant des adultes ou des mineurs, qu’elles surviennent dans le cadre d’une relation hétérosexuelle ou homosexuelle, les lois en vigueur ne semblent pas du tout adaptées pour punir de tels actes”, fustige l’avocate et co-fondatrice de l’ONG MRA (Mobilising for Rights Advocates) Stéphanie Willman Bordat, à propos de la condamnation de la victime. Et de poursuivre : “Cela souligne clairement la nécessité d’une révision en profondeur du Code pénal, afin d’assurer une cohérence dans les dispositions légales, car le principal problème réside dans leur incohérence actuelle.”

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En vertu de l’article 485 du Code pénal relatif à l’attentat à la pudeur avec violence, les sanctions pour des violences courantes sont de cinq à dix ans, mais si la victime a moins de 18 ans, elles augmentent de 10 à 20 ans. Pour l’avocate, “cela pose déjà un problème évident en ce qui concerne la cohérence des peines”, étant donné que l’agresseur a écopé d’une peine plus légère que celle prévue par la loi.

“À long terme, il est essentiel que le législateur intervienne pour modifier cette situation, mais à court terme, les juges ont la possibilité de faire prévaloir les conventions internationales, et ils devraient le faire dans ce cas particulier”, poursuit la militante et avocate, qui met en avant la convention des Nations unies sur les droits de l’enfant, ratifiée par le Maroc.

“L’article 34 de cette convention stipule que les États parties s’engagent à protéger les enfants contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violences sexuelles. Par conséquent, le gouvernement marocain a une obligation claire de protéger les enfants contre les violences sexuelles. Cependant, dans ce cas, la situation est tout à fait contraire à cet engagement, car les enfants sont punis pour avoir subi des violences sexuelles”, conclut Stéphanie Willman Bordat.

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