A quelques dizaines de kilomètres de l’épicentre du tremblement de terre, Marrakech en porte les stigmates. Dans l’ancienne médina tout comme dans le centre, les autorités recensent les bâtiments en ruines ou fragilisés par la secousse tandis que la ville compte ses morts : une vingtaine, selon le dernier bilan.
Essentiellement tournée vers le tourisme, l’économie de la ville devrait également être impactée. Les Marrakchis, dont les activités ont déjà enregistré un coup d’arrêt de 23 mois pendant la pandémie, redoutent maintenant les conséquences du séisme.
L’essence du tourisme solidaire
“La région d’Al Haouz, où se trouve l’épicentre, a subi d’importants dégâts humains et matériels. Cependant, Marrakech n’est pas une ville dévastée, mais une ville meurtrie. Les éboulements en médina ont été déblayés dès le lendemain. Les voies de circulation, les réseaux ferroviaires et les aéroports continuent de fonctionner normalement. Les autorités, les responsables, la société civile font un travail remarquable”, s’est donc empressée de souligner l’association des restaurateurs de la wilaya de Marrakech-Safi dans un communiqué.
“Contrairement à ce qui se dit, c’est l’Atlas qui est la région la plus touchée”
“Contrairement à ce qui se dit, c’est l’Atlas qui est la région la plus touchée. À Marrakech, les professionnels de notre secteur ont géré cette tragédie avec compétence. Et la majorité des structures hôtelières sont construites selon des normes antisismiques”, assure quant à lui Hamid Bentahar, le président de la Confédération nationale du tourisme (CNT) joint au téléphone par TelQuel.
“Le trafic à l’aéroport de Marrakech est fluide puisque la quasi-totalité des vols programmés sont maintenus. Il peut y avoir quelques annulations, mais pour l’instant les chiffres qui nous parviennent montrent qu’il y en a beaucoup moins que ce à quoi on aurait pu s’attendre et nous envoyons des messages à tous nos partenaires internationaux pour les rassurer”, complète le président du CNT.
“Il est essentiel de diffuser des photos authentiques et les témoignages des touristes pour contrer les fake news”
Également interrogée par TelQuel, Imane Rmili, présidente de la Fédération nationale des restaurants touristiques (FNRT), estime que le défi consiste avant tout à restaurer l’image de la ville ocre : “La priorité est de combattre la désinformation. Le séisme d’Al Haouz a principalement impacté les régions de Marrakech et Agadir, mais les villes elles-mêmes sont intactes et fonctionnelles. Il est essentiel de diffuser des photos authentiques et les témoignages des touristes pour contrer les fake news. La meilleure manière de nous soutenir est de nous rendre visite : c’est la véritable essence du tourisme solidaire.”
La présidente de la FNRT fait ainsi allusion à certains médias alarmistes, notamment français. Des articles ont par exemple mis l’accent sur le départ des touristes effrayés par les risques d’effondrement d’immeubles et de bâtisses historiques.
La sécurité avant tout
Pour éviter que l’image des dévastations dans le Haut Atlas ne soit associée à toute la destination Maroc, le secteur a décidé d’agir. Le 12 septembre dernier, la ministre du Tourisme Fatim-Zahra Ammor a reçu les représentants des fédérations nationales de l’industrie hôtelière, des agences de voyages, des guides, du transport, des restaurateurs et des investisseurs touristiques ainsi que des arts culinaires.
“Le mal en termes d’images est déjà fait, la réaction du ministère a été trop tardive”
Alors que dès les premières heures du séisme, les professionnels du secteur se sont mobilisés pour distribuer tentes, lits et repas, la réunion avec la tutelle a permis de dresser la liste des hôtels fermés à Marrakech, Agadir et Ouarzazate et d’en déterminer la capacité. D’un autre côté, il est également demandé aux établissements hôteliers et touristiques classés (EHTC) d’inspecter leurs murs et de se conformer aux normes de sécurité les plus strictes. L’objectif est d’en rouvrir certains et de les mettre à la disposition pour héberger les populations.
Mais “le mal en termes d’images est déjà fait, la réaction du ministère a été trop tardive. Dans ce genre de situation, il faut agir vite, avec une cellule de crise qui ne nécessite pas forcément une réunion physique. Espérons que les actions que nous allons entreprendre vont permettre de faire ce qu’il faut. D’abord pour aider le maximum de personnes, puis pour être prêts à temps pour la haute saison de la fin d’année”, souffle l’un des participants à la réunion ayant requis l’anonymat.
Solidarité et promotion
Plombée par la crise sanitaire et la fermeture des frontières, la destination Maroc avait pourtant renoué progressivement avec ses performances d’avant la pandémie, le royaume se plaçant en bonne position dans le marché très concurrentiel des destinations post-Covid.
Si la mise en place en 2022 d’un plan d’urgence doté de 2 milliards de dirhams avait permis au secteur de redémarrer, c’est l’envie de Maroc qui a replacé le pays dans le radar des destinations touristiques. Entre janvier et juin 2023, les quelque 6,5 millions de touristes qui ont visité le Maroc y ont passé 11,7 millions de nuitées, générant 47,9 milliards de dirhams de recettes, selon les chiffres de l’Observatoire national du tourisme.
“Le sujet du moment pour les professionnels, c’est la solidarité”
Un nouveau sursaut est donc attendu du secteur pour garder le rythme malgré le séisme et ses conséquences. Sondés par TelQuel, les professionnels sont formels : le meilleur moyen pour les touristes d’aider le Maroc est de continuer à venir afin de soutenir un secteur qui pèse 12 % du PIB.
Hamid Bentahar estime néanmoins que “le sujet du moment pour les professionnels, c’est la solidarité”. “Il faut apporter de l’aide aux rescapés dans les montagnes : ce sont nos collaborateurs, sont nos familles. Il faut qu’ensemble, on se mobilise pour les aider à reconstruire rapidement, car l’hiver arrive et il leur faut un toit provisoire en attendant un définitif.”
Et le président du CNT de conclure : “Pour l’heure, nous ne sommes pas inquiets. Il y a suffisamment de gens qui aiment toujours le Maroc. L’attractivité de la destination est telle que les arrivées vont continuer. L’expérience l’a déjà montré dans le passé. Il faut juste une bonne coordination avec les médias pour montrer que toutes les destinations du Maroc sont visitables.”