Viol de Tiflet, le verdict de la honte

Trois hommes ont été condamnés à des peines légères pour le viol répétitif d’une petite fille de 11 ans. Cette sentence laxiste est une nouvelle preuve que la justice marocaine ne sanctionne pas les violences sexuelles à leur juste mesure.

Par

TELQUEL

“Horreur absolue”, “injustice inadmissible”… les mots ne manquent pas pour qualifier le verdict rendu par le tribunal de Rabat le 20 mars dernier. Trois hommes de 25, 32 et 37 ans ont été condamnés à 18 et 24 mois de prison pour les viols répétitifs, dans la région de Tiflet, d’une enfant de 11 ans qui est tombée enceinte.

Ça nous met hors de nous, fustige Stéphanie Willmann, avocate cofondatrice de l’ONG MRA (Mobilising for rights associates) basée à Rabat, et pourtant les juges ont agi dans un cadre juridique puisque le Code pénal leur donne le droit de faire ça”.

À savoir accorder des circonstances atténuantes aux accusés, notamment dans les cas de violences sexuelles. Dans cette affaire, les magistrats ont estimé que les trois hommes, pourtant reconnus coupables de “détournement de mineure” et “d’attentat à la pudeur avec violence”, se sont vus condamnés une peine plus légère que celle prévue par la loi, au vu de leur “condition sociale”, de leur “absence d’antécédents judiciaires” et du fait que “la peine prévue légalement est sévère au regard des faits incriminés”. Une décision qui a provoqué un tollé, tant dans l’opinion publique que chez de nombreux avocats.

“Les circonstances atténuantes sont devenues la règle en matière de viol alors que ça devrait être une exception”, déplore l’avocate Laila Slassi, membre du collectif Masaktach à l’origine d’une étude sur le traitement judiciaire des agressions sexuelles dans le royaume, rappelant, en se basant sur cette même étude, que cette affaire “est tout sauf un cas isolé” et que moins de 6% des affaires atterrissent devant une justice encore trop laxiste. Et l’histoire sordide de la fillette de Tiflet cristallise toutes les failles que militants et avocats tentent de mettre en exergue.

Bande organisée

Selon le compte rendu du jugement consulté par TelQuel, le calvaire de l’enfant commence en 2021. Elle a alors 11 ans et habite dans un douar près de Tiflet. Un homme d’une vingtaine d’années lui tourne autour puis la viole non loin de chez elle, crime qu’il répètera deux fois. Elle sera ensuite violée à répétition par deux autres individus d’une trentaine d’années, en présence d’une fillette de son âge, pendant plusieurs mois. L’un des agresseurs l’aurait menacée avec un couteau pour obtenir son silence.

La victime ne dit rien, bien qu’elle se rende compte au bout de quelques mois qu’elle est enceinte de l’un de ses agresseurs. Le 5 mars 2022, la vie de la famille bascule… Lire la suite

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