Le ton ferme, la posture droite et le verbe assuré, Aziz Akhannouch, costume gris anthracite et cravate sobre, a bravé avec assurance la délicate séance mensuelle des questions au parlement. Ce lundi 24 octobre, il était interrogé sur ce qui venait de transparaître du Projet de Loi de Finances 2023 (PLF). Une feuille de route qui constitue le premier véritable exercice de projection de l’Exécutif actuel.
“Nous sommes un gouvernement de travail et non de polémiques”
Pas homme à se laisser déconcerter par les questions des élus, le Chef du gouvernement a assumé plus qu’un bilan, un état d’esprit : “Nous sommes un gouvernement qui accorde les slogans aux réalisations, nous ne trahissons pas les promesses, nous sommes un gouvernement d’initiatives et non de simple réaction, nous sommes un gouvernement de travail et non de polémiques.” Au diapason de cette profession de foi, Akhannouch a procédé à l’énumération détaillée de ses réalisations.
Tandis que le patron de la majorité déroulait ses éléments de langage, frappés au coin de l’efficacité et d’un optimisme ferme en l’avenir, un peu partout, salonards et experts, cadres supérieurs et simples citoyens, économistes et profanes tentaient de faire sens d’un Projet de Loi de Finances aussi complexe que foisonnant.
Or, cette faune aura beau compulser les centaines de pages du document, une mesure symbolique, pourtant promise par l’Exécutif, demeurera introuvable. Ce qui, naturellement, la place au centre de toutes les attentions. Il s’agit de la taxe sur les superprofits des entreprises.
Promise par le ministre du Budget, Fouzi Lekjaâ, en août dernier, et discutée brièvement en commission des finances, cette taxe ponctuelle n’aura finalement pas eu les faveurs du gouvernement. Elle devait pourtant servir à restituer au Trésor une partie des surprofits dégagés par certains grands groupes durant le Covid et la séquence inflationniste qui perdure.
Appliqué dans d’autres pays, cet impôt est porteur d’une forte symbolique égalitariste. Les entreprises ayant profité de l’effet d’aubaine conjoncturel auraient été amenées, à travers cette mesure, à partager leurs bénéfices extraordinaires avec la collectivité. Au moment où l’on s’attend à une croissance du PIB inférieure à 1% cette année, et où les comptes publics subissent un stress test inédit, dû à la nécessité de boucler le financement de projets sociaux budgétivores, cette taxe n’aurait pas été de trop.
L’avis du Conseil de la concurrence sur la flambée des prix en a même fait une recommandation majeure. Le rapport de Ahmed Rahhou, publié courant octobre, proposait de viser les sociétés de distribution de carburants qui, depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine, n’ont pas répercuté avec fidélité les baisses des cours de pétrole sur les prix à la pompe. Ces marges indues, selon le Conseil, devaient donner lieu à une taxation supplémentaire pour plus d’équité.
Mais le PLF la passe à la trappe. D’après nos informations, aucune pression de la CGEM n’aurait été à l’origine de cette omission. Lire la suite…