Benkirane : “Certains disent que nous exagérons dans notre adhésion au référentiel islamique, mais nous continuerons sur cette voie”

Le chef du PJD présidait ce week-end à Rabat sa première réunion avec le Comité national du parti après son come-back. Incompréhension des résultats des élections, relations avec l’État, opposition jusque-là mesurée au gouvernement Akhannouch, intransigeance sur les libertés individuelles… Benkirane reprend du service. Morceaux choisis.

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Le secrétaire général du PJD Abdelilah Benkirane, le 4 décembre 2021. Crédit: PJD TV

Sur la naksa (échec cuisant) du 8 septembre

“Les résultats obtenus par le PJD aux dernières élections étaient durs et difficiles. Ils ont causé une catastrophe interne. Mais le parti a pu interagir de manière élégante, par la démission du Secrétariat général. Ce comportement ne peut qu’être apprécié, malgré quelques observations de forme. La tenue d’un congrès extraordinaire dans ces circonstances s’est tout de même déroulée dans la sérénité. Le parti est resté uni, le symbolique a également été respecté, et un nouveau Secrétaire général a été choisi.”

Abdelilah ou l’optimisme

“Psychologiquement, j’ai le sentiment que la défaite aux élections a été largement surmontée. Il faut désormais renouveler nos intentions et notre détermination, et ne pas rester concentré sur ce qui s’est passé.

Regarder dans le passé peut avoir un seul avantage. C’est de savoir si le PJD peut produire quelque chose qui lui permettra de surmonter cette défaite, non seulement pour nous, mais pour le bien de la vie politique en général. Les résultats électoraux n’ont pas seulement besoin d’être reconnus. Il doit y avoir une forme de quiétude. Je n’ai pas compris comment le PJD, ainsi que d’autres partis, a pu obtenir ces résultats. La première chose que je me suis dite, c’est que hadchi bezzaf (c’en est trop, ndlr).”

Le rassemblement des “intègres”?

“Aucun candidat du PJD n’a été accusé d’avoir touché au moindre dirham d’argent public. Nos candidats ne se sont pas rassemblés pour servir leurs intérêts. Un certain nombre de pratiques négatives sont apparues de manière significative lors des élections de septembre. En tant que Marocains, nous avons eu honte de le constater.

Parmi les élus d’aujourd’hui, certains ne sont venus que pour servir leurs propres intérêts. D’autres ont amené leurs conjoints et membres de leurs familles. Ces élus doivent rehausser leur niveau, ou du moins, agir comme le faisait le PJD. Comme disait Moulay Mhamed Elkhalifa (ex-dirigeant de l’Istiqlal, ndlr), les jouisseurs ont vaincu les saints d’esprit. Dieu soit loué, nous n’avons pas atteint ce niveau au PJD.”

L’État selon les Frères

“Nous resterons attachés à notre idéologie modérée, et à notre patriotisme. Certains disent que nous exagérons dans notre adhésion au référentiel islamique. Mais nous continuerons sur cette même voie. L’État n’a pas besoin d’un parti qui le soutienne dans tout ce qu’il fait. Il a plutôt besoin de partis qui savent à la fois comment soutenir, s’opposer et donner conseil quand c’est nécessaire. Certes, nos adversaires politiques nous ont vaincus le 8 septembre. Ils l’ont fait en usant de ‘bricolages’. Cela ne durera pas car notre pays doit atteindre un stade où il ne repose que sur du solide.”

Impassible sur les libertés individuelles

“La situation dans laquelle se trouve le PJD ne signifie pas qu’il va changer de convictions stratégiques. Nous optons évidemment pour l’ijtihad (travail intellectuel de compréhension et d’interprétation du Coran et de la Charia, ndlr). Mais cela ne signifie pas d’accepter ouvertement l’homosexualité. Il faut relire l’histoire de Loth, telle que racontée dans le Coran, pour montrer la gravité de la question.

À cet égard, il n’y aura pas de jurisprudence qui nous conduira à la situation vécue Europe. Le fait d’afficher publiquement ces pratiques nécessite l’application de la loi. C’est également valable pour les relations consensuelles hors mariage. On ne peut pas traiter un cas particulier en voulant par la suite établir une loi d’ordre général.”

L’État veut-il de nous?

“Il y a parmi nous ceux qui se posent cette question. Je leur réponds en disant que je ne veux plus qu’ils se la posent. L’État fait ce qu’il veut, et la relation PJD-Etat est bonne. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a jamais eu divergence. Effectivement il y en avait, et c’est la situation normale.

Notre État n’est pas de type dictatorial. Nos gouvernants ont une légitimité qui n’est pas fondée sur des élections, mais plutôt sur la beyaa (l’allégeance, ndlr), l’histoire et la constitution. La somme de ces références constitue la légitimité sur laquelle la monarchie marocaine est fondée. Mais nous disons que, nous et nos rois, devons évoluer dans le sens positif, conforme à cette époque et à la démocratie, et que les abus qui se sont produits doivent être corrigés et surmontés.”

Cher voisin de l’Est

“Les dirigeants algériens exploitent l’argent du pétrole afin de nuire aux intérêts du Maroc. Leur régime s’est comporté de façon injuste avec le Maroc en décidant de fermer les frontières entre les deux pays, car ils se rendent compte que le peuple algérien aime le Maroc, et que les Algériens entreront massivement au Maroc si les frontières sont rouvertes.

Vous êtes en train de plonger les deux pays dans une crise ou une guerre qui aura des conséquences désastreuses pour les peuples, et pour toute cette région que nous voulons stable. Vous ne profiterez pas de la guerre. Celle-ci ne profitera qu’aux véritables ennemis des deux pays. Ni l’Algérie ni le Maroc n’en bénéficieront.”

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