Gestion de la pandémie, libertés individuelles... Comment les Marocains perçoivent leur pays selon l’Arab Barometer 2021

L’Arab Barometer, organisme spécialisé dans les enquêtes d’opinion dans quinze pays du monde arabe, a publié son rapport annuel sur le Maroc, couvrant quatre principaux volets : gestion de la pandémie, économie et services publics, libertés individuelles et relations internationales. Voici, en quelques chiffres clés, la perception des Marocains de leur pays.

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La vaccination des 12-17 ans, qui a commencé le 31 août. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

Le 13 octobre dernier, l’organisme Arab Barometer, spécialisé dans des enquêtes d’opinion dans 15 pays du monde arabe depuis 2006, a publié son rapport annuel sur le Maroc, dans un contexte principalement marqué par les impacts de la pandémie.

Le rapport porte sur quatre principaux volets : Covid et gestion de la pandémie, économie et services publics, libertés individuelles, diplomatie et relations internationales. Si certains chiffres sont particulièrement optimistes, d’autres demeurent alarmants. TelQuel fait le point.

“75 % des Marocains sont satisfaits des mesures gouvernementales pendant la pandémie”

Les résultats de l’enquête d’opinion d’Arab Barometer semblent très optimistes quant à la réception des mesures gouvernementales relatives à la pandémie. Selon le rapport, 75 % des citoyens marocains interrogés estiment que la gestion du gouvernement était “bonne” ou “très bonne”.

24 % des Marocains ont estimé que le plus grand challenge auquel ils ont dû faire face pendant la pandémie a été la perturbation de la scolarité de leurs enfants

En avril 2021, ce chiffre a gagné 6 points de pourcentage. Quant à la vaccination, au moment où l’enquête a été réalisée, 77 % des Marocains se disaient prêts à se faire vacciner. Les femmes seraient moins réticentes à la vaccination, avec un taux de 82 % de femmes, contre 71 % d’hommes.

Par ailleurs, 24 % des Marocains ont estimé que le plus grand challenge auquel ils ont dû faire face pendant la pandémie a été la perturbation de la scolarité de leurs enfants, notamment par le passage à l’enseignement en distanciel.

Rentrée scolaire à Casablanca, en octobre 2020.Crédit: Yassine Toumi/TelQuel

Sur la question des violences domestiques, comme cela a précédemment été rapporté par le HCP, celles-ci ont connu une hausse sévère liée à la pandémie, et donc au confinement. Ainsi, entre juillet et octobre 2020, 47 % des femmes interrogées ont estimé que les violences basées sur le genre (gender-based violence) avaient augmenté pendant la pandémie. De leur côté, 35 % des hommes interrogés ont émis un constat similaire.

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Toujours selon l’enquête d’Arab Barometer, la perte d’emploi a été beaucoup plus significative chez les femmes que les hommes marocains pendant la pandémie. Une femme sur cinq (soit 20 %) employée avant la pandémie a déclaré avoir perdu son travail de façon permanente pendant le Covid, face à 12 % d’hommes. Parmi ces 20 % de femmes, l’ancien revenu de 25 % d’entre elles ne leur permettait pas de couvrir leurs charges, et 27 % ne possèdent pas de diplôme supérieur. La perte d’emploi semble donc avoir touché les Marocains qui étaient déjà dans une situation plus ou moins précaire.

“45 % des Marocains sont satisfaits du système de l’éducation nationale”

Contre toute attente, les chiffres relatifs à la situation économique du pays sont particulièrement optimistes : au printemps 2021, 63 % des Marocains interrogés ont estimé que la situation économique du pays était “bonne” ou “très bonne”. En octobre 2020, ce chiffre était de 57 %.

Selon l’enquête, cet optimisme serait lié au fait que “49 % des personnes interrogées ont déclaré avoir reçu une aide ou une indemnité Covid”. Un taux supérieur aux six autres pays où l’Arab Barometer a réalisé une enquête similaire, à savoir la Jordanie, la Libye, la Tunisie, l’Algérie, l’Irak et le Liban.

Dans la même lancée, deux tiers des Marocains interrogés se sont montrés confiants quant à une amélioration de la situation économique du Maroc dans les années à venir. Pour autant, l’opinion des Marocains sur les services publics est moins glorieuse : seulement 52 % sont satisfaits du système de sécurité sociale, et seulement 45 % sont satisfaits du système de l’Éducation nationale.

72 % des femmes interrogées estiment que le manque d’options de garde d’enfants, ainsi que les faibles revenus qu’elles sont susceptibles de recevoir en travaillant sont leurs plus grands obstacles d’accès à l’emploi.Crédit: Fadel Senna / AFP

Enfin, l’accès à l’emploi demeure un obstacle crucial pour les femmes marocaines. Selon l’enquête, “les barrières structurelles affectent plus l’entrée des femmes aux espaces de travail que les barrières culturelles”. Ainsi, 72 % des femmes interrogées estiment que le manque d’options de garde d’enfants, ainsi que les faibles revenus qu’elles sont susceptibles de recevoir en travaillant sont leurs plus grands obstacles d’accès à l’emploi. Les moyens de transport arrivent en deuxième position : 69 % des femmes interrogées ont estimé que leur plus grand obstacle était le manque de moyens de transport.

Sur la question de la discrimination basée sur le genre dans le monde professionnel, 43 % ont estimé que le sexisme à l’embauche (préférer recruter un homme plutôt qu’une femme) constituait un obstacle pour trouver un emploi.

“16 % des Marocains jugent acceptable que le gouvernement limite la liberté d’expression en temps d’urgence sanitaire”

En octobre 2020, 69 % des Marocains ont estimé qu’ils étaient libres de participer à des manifestations pacifiques. Un taux passé à 55 % en mars 2021. Selon l’enquête, un citoyen sur quatre estime qu’il est tout à fait acceptable que le gouvernement puisse tracer les déplacements des citoyens, en référence à l’utilisation d’applications comme Wiqaytna, lancée par le ministère de la Santé, afin de déterminer les cas contacts Covid.

La pandémie ayant été marquée par l’arrestation de plusieurs internautes pour avoir divulgué et propagé de fausses informations quant au Covid (par exemple, la youtubeuse Mi Naima), 29 % des Marocains ont tout de même déclaré accepter que le gouvernement censure les médias en temps d’urgence sanitaire.

Cependant, seulement 25 % des Marocains ont estimé qu’il était acceptable que le gouvernement limite le droit de se déplacer. Enfin, seuls 16 % des Marocains ont jugé acceptable que le gouvernement limite la liberté d’expression dans ce même contexte sanitaire.

“41 % des Marocains soutiennent la normalisation des relations avec Israël”

En mars 2021, soit quelques mois après la reconnaissance de la souveraineté marocaine du Sahara par les États-Unis, 64 % des Marocains ont déclaré avoir “une bonne perception” du géant américain. Un taux supérieur de 36 points de pourcentage par rapport à octobre 2020 (soit deux mois avant la reconnaissance), et supérieur aux six autres pays arabes interrogés sur la même question.

Paradoxalement, seulement 9 % des Marocains sont favorables à la normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis, ainsi qu’entre Israël et Bahreïn

La diplomatie de vaccination chinoise ainsi que l’éminence de la production de vaccins chinois au Maroc semblent avoir joué un grand rôle dans la perception favorable de la Chine par les Marocains, qui s’élève à 65 %. Quant à l’Arabie saoudite, 53 % des citoyens marocains interrogés la perçoivent favorablement.

Sur la normalisation des relations entre Israël et le Maroc, 41 % des Marocains interrogés se sont dit favorables à cette décision. Paradoxalement, seulement 9 % des Marocains sont favorables à la normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis, ainsi qu’entre Israël et Bahreïn. Selon l’enquête, cette disparité s’explique par “les bénéfices qu’ont tiré les Marocains de la normalisation”, en faisant référence à la reconnaissance des États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara.