Et si le nouveau modèle de développement intégrait la légalisation du cannabis ? Ce jeudi 23 juillet, la CSMD a organisé un atelier de travail avec des chercheurs et des experts sur la question. Conscient que l’approche répressive envers les cultivateurs de cannabis n’aboutit à rien, le panel a axé sa réflexion sur les moyens de mieux exploiter les vertus thérapeutiques et récréatives de la plante. “Face à cette problématique, tout a été essayé et rien n’a marché. On ne peut pas aller à contre-courant. Il faut désormais faire un choix”, résume Camelia Benaskour, consultante en stratégie d’entreprise.
Libérer les populations des cartels
D’après les statistiques du ministère de l’Intérieur, ce sont environ 90.000 ménages, soit plus de 700.000 personnes, qui vivent de la production de cannabis dans les régions d’Al-Hoceima, Chefchaouen et Ouazzane. “La production reste archaïque et contrôlée par les cartels de drogue”, explique Mohamed Alifriqui, professeur-chercheur en écologie végétale et forestière à la Faculté des Sciences Semlalia (Université Cadi Ayyad de Marrakech).
Ce sont les réseaux criminels qui fournissent les graines de la plante, et récupèrent la production
Selon l’universitaire, ce sont les réseaux criminels qui fournissent les graines de la plante, et récupèrent la production. Ainsi, la manne financière issue de ce trafic ne profite pas aux populations de la région. Ces cartels introduisent des graines de cannabis hybrides, dont le rendement est plus important que le cannabis beldia (du terroir).
Contrairement à la plante terroir plus saine, ces nouvelles graines contiennent un taux important de tétrahydrocannabinol (THC), la principale substance psychoactive du cannabis. De plus, ces nouvelles graines “ont des répercutions importantes sur la déforestation et la consommation en eau”, alerte El Kacimi Kamal, ingénieur agronome et coordonnateur d’un programme de développement communautaire agricole.
Amsterdam du Rif
Alors que le cannabis à usage thérapeutique et récréatif est connu depuis des siècles au Maroc, c’est le protectorat français qui, avec le dahir du 22 décembre 1932, décide de prohiber sa culture. La colonisation va introduire des produits comme le tabac et l’alcool, largement plus nocifs. Selon les intervenants, organiser et développer la culture du cannabis reviendrait finalement à renouer avec une tradition marocaine.
Organiser et développer la culture du cannabis reviendrait finalement à renouer avec une tradition marocaine
Selon Prohibition Partners, groupe de réflexion sur la dépénalisation du cannabis, le Maroc pourrait empocher 944 millions de dollars dès la première année si le produit est légalisé. “Il faut que l’État contrôle la production et la commercialisation du cannabis”, propose Camelia Benaskour. Cela passerait peut-être par un office dédié à la production de cannabis, comme le proposait TelQuel en juin 2019.
La consultante en stratégie d’entreprise suggère aussi de créer une zone franche pour la vente et la consommation de cannabis, une “mini-Amsterdam” pour attirer un tourisme cannabique.