Je ne suis pas concerné par ce texte.” La réponse de Mohamed Benabdelkader, ministre de la Justice, lors de l’émission Confidences de presse sur la chaîne 2M, a choqué ses interlocuteurs. Interpellé sur le blocage de la réforme du Code pénal qui traîne au Parlement depuis plus de quatre ans, Benabdelkader a expliqué qu’il n’était pas à l’origine de ce texte. Il a refusé de s’exprimer sur les points de divergence, et s’est contenté de dire que “le gouvernement n’a pas encore évoqué ce dossier”.
Pourtant, plusieurs points de discorde ont compliqué le processus d’adoption de ce projet de loi. Le Parlement a clôturé la session d’automne sans que le texte ne passe le cap de la Commission de la justice et de la législation de la première chambre. Le ministre évoque un respect de la procédure. “Après le dépôt des amendements par les groupes parlementaires, le président de la commission adresse une invitation au ministre de tutelle pour les examiner. À ce moment, je vais informer le chef du gouvernement et demander que le sujet soit évoqué en Conseil de gouvernement, avant de me présenter devant la commission de la Justice. Car je dois m’exprimer au nom du gouvernement. Surtout que la plupart des ministres n’ont pas encore consulté ce texte”, a-t-il expliqué. Il a par ailleurs réfuté un éventuel retrait du texte du circuit législatif.
Benabdelkader s’est dit surpris des appels à accélérer l’adoption de ce texte, alors qu’il s’agit d’un “projet de loi stratégique, à vocation sociétale, qui nécessite du temps pour aboutir à un consensus”. L’objectif est d’assurer “l’applicabilité de ce projet et son efficacité”, a-t-il indiqué.
Trois projets de loi anticorruption
La répression de l’enrichissement illicite est l’un des principaux points de blocage à l’adoption de la réforme du Code pénal. Les réunions de la majorité n’auraient pas permis d’aplanir les difficultés liées à ce dossier. Selon Benabdelkader, “les partis de la majorité ont tenu une réunion relative au projet de Code pénal, qui a été consacrée à des questions de méthodologie. Une autre réunion est prévue pour poursuivre les discussions, en présence du ministre de la Justice”.
Ces textes “ont été préparés dans le calme, sans susciter autant de tensions”
Lors de la première réunion, Mohamed Benabdelkader était en déplacement professionnel, comme il l’a précisé. Mais il a insisté sur le fait que le dossier de l’enrichissement illicite n’avait pas été explicitement évoqué. Et d’exprimer son étonnement face à “la volonté de certains de détourner les débats”.
Il a mis l’accent sur l’élaboration de trois projets de loi, notamment sur les déclarations de patrimoine, sur la protection des fonctionnaires à l’origine des déclarations sur les cas de corruption, ainsi que sur l’Instance de probité et de prévention de la corruption. Ces textes, pratiquement prêts et qui devront être bientôt soumis au Conseil de gouvernement, “ont été préparés dans le calme, sans susciter autant de tensions”, a-t-il souligné.
Vers une nouvelle politique pénale
“Plus de 60 après l’adoption de l’actuel Code pénal, n’est-il pas temps de mettre en place une politique pénale intégrée, avec une nouvelle philosophie ?”. Mohamed Benabdelkader estime que c’est incontournable pour en finir avec “les réformes partielles, dépourvues de vision”. Il a mis l’accent sur “l’inflation des textes répressifs, parfois dans des domaines qui ne relèvent pas du champ pénal”.
“Cette question ne faisait pas partie des sujets considérés comme prioritaires lors de l’élaboration de la réforme du Code pénal”
Citant Montesquieu, le ministre a rappelé que “les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires”. Pour lui, il est important de changer d’approche, en vue de rompre avec la mise en place, quasi systématique, de textes juridiques pour résoudre des problèmes à caractère socioéconomique. Dans ce sens, “les politiques sectorielles peuvent jouer un rôle de prévention, comme le prône la nouvelle pensée pénale”. Le ministre a évoqué, dans ce cadre, le rôle de certaines stratégies comme l’INDH ou encore le plan de mise à niveau du système éducatif.
Interpellé sur l’absence de dispositions relatives aux libertés individuelles, comme la dépénalisation des relations sexuelles consenties entre adultes, le ministre a estimé que “cette question ne faisait pas partie, peut-être, des sujets considérés comme prioritaires lors de l’élaboration de la réforme du Code pénal”.
Il a également estimé qu’il est “légitime de s’interroger sur le choix de réformer 80 articles sur les 600 qui forment l’actuel Code”. D’où l’importance, selon lui, d’une nouvelle politique pénale, basée sur les dispositions de la Constitution. L’idée est d’aboutir à “une nouvelle philosophie, inspirée de la Constitution, afin que les droits et libertés ne soient pas sacrifiés au nom de la protection de l’ordre public”. Pour lui, “cet ordre public ne doit pas être fantasmé, mais plutôt basé sur les constantes fixées dans l’article premier de la loi fondamentale”.