Législation, liberté provisoire, statut de journaliste : les réponses de l'avocat Omar Bendjelloun

Depuis le 26 décembre, le journaliste et activiste Omar Radi est en détention provisoire à la prison d’Oukacha. Contacté par TelQuel, son avocat, Maître Omar Bendjelloun, nous explique la situation.

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Omar Bendjelloun est avocat, docteur en droit international du développement, et enseignant.

Depuis sa convocation par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) le 25 décembre dernier, le journaliste et activiste Omar Radi est en détention provisoire à la prison casablancaise d’Oukacha. Contacté par TelQuel, son avocat, Maître Omar Bendjelloun, répond à nos questions concernant les circonstances de cette affaire qui a suscité l’indignation.

TelQuel : Qu’est-il reproché à Omar Radi ?

Omar Bendjelloun : Il a reçu une convocation [le 25 décembre, NDLR] pour comparution devant le procureur. Ce dernier a poursuivi Omar Radi pour “outrage à magistrat” sur la base de l’article 263 du Code pénal. Il est poursuivi en état d’arrestation et est donc en détention préventive, car sa demande liberté provisoire a été refusée.

Pourquoi a-t-il été poursuivi sur la base d’un tweet ?

Le Code pénal traite de l’édition et de la publication de contenu, quel que soit le support ou véhicule de publication. Twitter, comme Facebook ou n’importe quel autre réseau social sont des véhicules de publication comme les autres, et c’est dans ce cadre-là qu’il est poursuivi. Un outrage à magistrat, que ce soit dans un article de presse, sur un compte Twitter, ou un compte Facebook, est condamnable.

La demande de liberté provisoire pour Omar Radi a été refusée. Quelles sont les motivations derrière ce refus ?

La demande de liberté provisoire est acceptée ou refusée lors d’un jugement préliminaire distinct. J’attends l’extrait du jugement, car ces justifications ne nous ont pas été transmises oralement par le juge. Le jugement signé par le président et le greffe n’a pas été mis à notre disposition, nous ne pouvons donc pas analyser les raisons motivant son placement en détention préventive. J’ai fait appel de cette décision. Cette demande sera traitée en parallèle du procès dont la prochaine audience aura lieu le 2 janvier prochain.

Omar Radi sera-t-il jugé en tant que “journaliste” ou “citoyen” ?

On lui reproche de ne pas avoir de carte de presse et donc, de facto, il ne peut pas bénéficier de cette forme d’“immunité légale” dont bénéficient les journalistes [qui doivent être jugés en vertu du Code de la presse qui n’inclut pas de peine privative de liberté, NDLR].

Omar est journaliste de fait, en raison de sa pratique du journalisme au sein de différents organes de presse nationaux. Il a d’ailleurs formulé plusieurs demandes auprès du ministère de la Communication qui lui ont été refusées [jusqu’en 2019, l’attribution de la carte de presse était du seul ressort du ministère de la Communication, NDLR]. Sa qualité de journaliste ne peut être réduite à l’appréciation d’un fonctionnaire.

Un journaliste détenant une carte de presse et passible de diffamation est sous le coup de l’article 104 du Code de la presse [qui prévoit la suspension pour une durée déterminée d’un titre ou d’une publication. Le Code de la presse prévoit également des sanctions pécuniaires contre les journalistes reconnus coupables d’outrage à magistrat, NDLR].

S’est-il vu refusé des visites familiales ?

En vertu du règlement du système carcéral, sa famille doit mettre en place un dossier de visite dans lequel elle prouve son lien familial avec le prévenu. Une fois ce dossier transmis, une famille peut rendre visite à un prévenu une journée par semaine dépendamment de la maison d’arrêt où est domicilié l’accusé. L’aile fixe [à la prison d’Oukacha à Casablanca, NDLR] dans laquelle se situe Omar Radi prévoit une visite chaque mercredi.

Son état de santé a été évoqué lors de sa mise en détention provisoire. A-t-il eu accès à ses médicaments ?

Nous avons plaidé sa situation médicale pour obtenir la liberté provisoire. Cela nous a permis de déposer son dossier médical à l’audience. Suite au dépôt de ce dossier, Omar Radi a eu accès à ses médicaments et a été ausculté par des médecins à l’intérieur de l’établissement. Son auscultation lors de son entrée dans la maison d’incarcération est une procédure routinière concernant chaque détenu, mais lui a été ausculté à deux reprises le lendemain de son entrée à Oukacha [le 27 décembre, NDLR] : une fois le matin et l’autre l’après-midi.

Aujourd’hui, comment va-t-il ?

Son moral est bon, fort. Il est satisfait du fait d’être en cellule individuelle, il parvient à dormir. Donc il n’y a pas de problème, pour l’instant.

 

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