Vague d’indignation après l’inculpation du journaliste et militant Omar Radi

Entendu dans la matinée du 26 décembre par la BNPJ, le journaliste et militant Omar Radi a été placé en détention puis présenté le soir même devant le tribunal de première instance d’Aïn Sebaâ. Son procès, qui fait suite selon sa défense à un tweet jugé critique envers un magistrat, a suscité une vague d’indignation au Maroc et au-delà.

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A l'heure des discussions autour du nouveau modèle de développement, l'inculpation d'Omar Radi fait massivement réagir la Toile. Crédit: Twitter

Omar Radi, journaliste et militant des droits de l’Homme, est poursuivi pour “outrage à magistrat”, selon sa défense.

Rappel des faits

Convoqué dans la matinée du jeudi 26 décembre par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), il a été placé en détention préventive puis présenté en début de soirée devant le tribunal de première instance de Casablanca dans le cadre d’une “comparution immédiate”, indique l’un de ses avocats, Me Omar Bendjelloun.

Lors de la première audience de son procès, la défense a plaidé la remise en liberté provisoire du journaliste, qui souffre selon ses proches de problèmes de santé. La demande a toutefois été refusée par le juge qui a fixé la date de la prochaine audience au 2 janvier.

Le journaliste de 33 ans est poursuivi sur la base de l’article 263 du Code pénal, qui prévoit un mois à un an de prison et une amende de 250 à 5 000 dirhams pour quiconque se rend responsable d’un “outrage dans l’exercice de leurs fonctions ou à l’occasion de cet exercice, envers un magistrat, un fonctionnaire public, un commandant ou agent de la force publique, soit par paroles, gestes, menaces, envoi ou remise d’objet quelconque, soit par écrit ou dessin non rendus publics”.

Selon l’avocat Said Benhammani, Omar Radi est poursuivi pour un tweet où il dénonçait le verdict du juge Lahcen Tolfi contre les militants du Hirak, publié en avril dernier.

Mobilisation générale

Son procès a suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux où une page Facebook et un compte Twitter baptisés “Free Omar Radi” ont été créés dans la soirée pour le soutenir.

Sur Twitter, le hashtag #FreeOmar est premier des tendances au Maroc. Il a notamment été utilisé par la directrice de l’information de la chaîne 2M, Samira Sitaïl, pour partager son indignation.

Plusieurs personnalités politiques ont également condamné le procès du journaliste, dont la députée PJD Amina Maelainine. “En toute responsabilité, je pense qu’il s’agit de poursuites qui n’auraient pas dû avoir lieu après tous ces mois, et notre pays aurait pu être épargné de répercussions”, a-t-elle notamment écrit dans un post Facebook, demandant sa libération.

La mise en détention d’Omar Radi nous interpelle et nous rappelle qu’aucun modèle de développement ne saurait être défendable ni viable sans la garantie de la liberté d’expression et d’information. Le développement implique la critique et le débat d’idées, ou il n’est pas”, a estimé le professeur universitaire et membre de la Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement (CSMD), Rachid Benzine.

L’homme d’affaires Karim Tazi, également membre de la commission, a confié à nos confrères de Médias24 que “le fait que les dossiers les plus brûlants de répression politique n’aient pas été apurés jusqu’à aujourd’hui risque de constituer un handicap pour l’élaboration d’un nouveau projet de développement dans lequel l’essentiel des Marocaines et des Marocains puissent se reconnaître. Les événements nouveaux, et particulièrement la poursuite engagée en état d’arrestation contre Omar Radi pour un délit d’opinion est un mauvais signal qu’il est urgent de corriger”.

De son côté, Driss Ksikes, membre de la CSMD, écrivain et ancien directeur de publication de TelQuel, a écrit que “l’expression de sa colère par un tweet lui vaut aujourd’hui une poursuite intempestive par le parquet et un emprisonnement malvenu”.

Le Parti socialiste unifié (PSU) a lui aussi condamné l’arrestation du journaliste qui n’a fait que “critiquer les verdicts rendus à l’encontre des détenus du Rif”.

اعتقال الصحافي عمر الراضي، لا لشيئ سوى لانه كتب تدوينة ينتقد فيها الاحكام التي عوقب بها معتقلوا حراك الريف !!!#حرية_التعبير #FreeOmarRadi

Publiée par ‎PSU الحزب الإشتراكي الموحد‎ sur Jeudi 26 décembre 2019

Boubker Elouankhari, cadre de la jeunesse du mouvement Al Adl Wal Ihssan, et Hanane Rihab, membre du bureau politique de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), ont également réagi.

متابعة الصحفي والناشط المدني عمر الراضي دليل آخر على أن هذه الدولة فقدت أعصابها وصارت تتصرف برعونة تشكل خطرا بالغا على…

Publiée par Boubker Elouankhari sur Jeudi 26 décembre 2019

استدعاء الصديق والزميل عمر الراضي الصحافي السابق – براديو اطلانتيك وعدد من الجرائد الوطنية والمتعاون حاليا مع جرائد…

Publiée par Hanane Rihhab sur Vendredi 27 décembre 2019

Le président du mouvement Damir, Salah El Ouadie, a quant à lui rappelé que les journalistes ne devraient pas être poursuivis en vertu du Code pénal, estimant qu’un nouveau modèle de développement n’est pas possible “sans liberté de la presse”.

بصدد اعتقال الصحافي عمر الراضي:الصحافيون يجب ألا يتابعوا بمقتضيات القانون الجنائي. بل طبقا لقانون الصحافة والنشر الذي…

Publiée par Salah Elouadie sur Vendredi 27 décembre 2019

Je n’ose croire que le pays de mes aïeux fait encore cela. Les journalistes sont libres et doivent le rester. Surtout sur un continent comme le nôtre où l’image d’un journalisme en danger porte déjà préjudice au progressisme que l’on souhaite tous”, a par ailleurs écrit l’humoriste et animateur radio franco-marocain Yassine Belattar, sur sa page Facebook.

Cher Maroc,J’apprends que le journaliste Omar Radi est toujours enfermé. Je n’ose croire que le pays de mes aïeux fait…

Publiée par Yassine Belattar sur Vendredi 27 décembre 2019

Du côté de la société civile, plusieurs ONG ont également réagi à son inculpation, dont Freedom Now et l’Association marocaine des droits humains (AMDH). Le Syndicat national de la presse marocaine considère (SNPM) quant à lui que “quel que soit le contenu du post, le procès du confrère Omar Radi sur la base d’articles du droit pénal, au lieu de la loi sur la presse, est inacceptable”. Le SNPM assure ainsi qu’il va suivre “le fond de cette affaire”, tout en demandant “la clôture de son dossier dans les meilleurs délais”.