Une ressource de plus en plus rare, qui fait la richesse des contrebandiers. Dans un récent rapport des Nations unies, sur l’exploitation du sable dans le monde, un encadré cite le Maroc comme l’un des pays étant les plus impactés par l’extraction illégale de sable. Un passage qui insiste sur le fait que la moitié du sable utilisée au Maroc, soit quelque 10 millions de mètres cubes par an, serait issue de l’extraction illégale dans les zones côtières. Intitulé « Mafias du sable, extraction de sable illégale et contrebande au Maroc », l’encadré explique que le sable est « souvent retiré des plages » afin de permettre la construction d’infrastructures touristiques et balnéaires.
Sur la bande littorale entre Safi et Essaouira, le rapport pointe que l’extraction est telle, que les trafiquants ont fini par transformer une grande plage en un paysage rocheux. Cet été déjà, les parlementaires s’inquiétaient de la situation, alors qu’était estimé à 55 % le sable vendu sur le marché national provenant de filières clandestines. Une information révélée par Aujourd’hui Le Maroc, en juin dernier, qui détaillait que le sable issu des oueds représentait 16 % des quantités qui circulent sur le marché national, alors que le sable issu du concassage ne dépasse guère les 7,25 %. Le sable dunaire “ne dépasserait pas de son côté les 14,49 %”. Interrogé par le quotidien, un parlementaire déplorait que “le manque à gagner que ce soit pour l’État ou bien les collectivités locales devienne beaucoup trop important puisque les taxes inhérentes aux opérations d’exploitation ne sont tout simplement pas payées”.
Au-delà, les conséquences sont catastrophiques d’un point de vue écologique. “Dans certains endroits, la poursuite de la construction risque de conduire à une situation non durable et à la destruction de la principale attraction naturelle des visiteurs : les plages elles-mêmes”, poursuit l’encadré relatif à la situation marocaine dans le rapport onusien. Au Maroc, certaines plages ont disparu à cause de ce trafic de sable, au commerce qui en est fait, mais aussi à la balnéarisation de certaines côtes. Dans le rapport, le cas d’Assilah évoqué. La ville du nord a subi une grave érosion de ses côtes “en raison de problèmes de réglementation et de pressions liés au tourisme.”
Écosystèmes en danger
Souvent retiré des plages, le sable sert à la construction d’infrastructures touristiques — principalement au Maroc, où le boom du BTP de ces dernières années a fait oublier ces préoccupations environnementales. Assilah a vu, entre 2012 et 2014, l’extraction de sable être à son point fort, lorsque la cité côtière a été le théâtre d’une augmentation de construction d’appartements, de maisons, d’hôtels et de centres de villégiature en tirant parti d’un marché immobilier favorable. Le sable avoisinant constituait la ressource idoine pour les groupes de BTP. Pourtant, “de nombreuses structures proches de la côte sont maintenant menacées par l’érosion qui les a créées”, pointe le rapport. Des similarités que l’on retrouve dans d’autres villes du littoral comme Larache, voire Kenitra.
Pourtant, le 23 novembre 2017, le gouvernement marocain avait adopté le décret d’application de la loi 81-12 relative au littoral qui visait à la préservation “des équilibres biologiques et écologiques, du patrimoine naturel” et censé interdire le prélèvement du sable dans les dunes maritimes, au risque de cinq ans de prison. Une loi peu appliquée sur le terrain d’après différentes sources médiatiques.
Le sable reste une ressource rare, loin d’être aussi inépuisable que l’on pourrait le croire. Au point qu’on le qualifie désormais d’or jaune. S’il est présent en grande quantité, seule une infime partie est exploitable. Dans le même temps, le rapport des Nations unies relève que la demande mondiale sur le sable et le gravier avoisine 50 milliards de tonnes par an. Soit trois fois plus qu’il y a 20 ans.
“Le sable est présent partout dans la construction et la production industrielle parce qu’il est bon marché, polyvalent et facile à acheter« , note le rapport qui rappelle que ces matériaux sont les plus exploités par l’homme au monde derrière… l’eau. Pourtant, “l’extraction d’agrégats dans les rivières et les côtes a entraîné une pollution, des inondations, une baisse rapide des aquifères et une aggravation de la sécheresse dans le monde”. Les pays les plus affectés se trouvent en Asie et en Afrique.
À l’instar du Maroc, d’autres pays comme le Sénégal ou l’Inde sont victimes du pillage clandestin des plages. Des actes aux conséquences désastreuses tant pour le littoral que la biodiversité. La disparition des plages mettrait en danger la faune et la flore, mais causerait surtout, à terme, la destruction d’un rempart naturelle contre la montée des eaux.