Sous la houlette du chef du gouvernement et à la demande du ministère de la Réforme de l’administration et de la Fonction publique, la filiale marocaine du cabinet américain PricewaterhouseCoopers (PwC) a publié les résultats de son étude portant sur le passage du Maroc au fuseau horaire GMT+1. Un changement que Saaâdeddine El Othmani entend défendre par ladite étude qui, pour rappel, devait évaluer la réticence des Marocains quant au changements d’heures d’été et d’hiver.
L’étude de 33 pages fait savoir que – globalement – 107 pays n’ont jamais adopté le régime du changement de l’heure légale, tandis que 139 pays y sont passés au moins une fois. Par ailleurs, l’enquête a pris le pouls de l’opinion de quelques experts et de Marocains pour diagnostiquer l’état des lieux au royaume, en plus d’un sondage mené auprès des citoyens et de certains opérateurs économiques. Ont ajouté leur pierre à l’édifice à cette étude le ministère de la Santé, le ministère de l’Energie, des Mines et du Développement durable, le ministère de l’Education nationale et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
Trois impacts à retenir
L’étude liste trois impacts aux effets aussi bien positifs que négatifs de la transition au GTM+1. Il s’agit de la répercussion énergétique, économique puis sociale et sociétale. Concernant l’impact énergétique, l’enquête révèle qu’avec ce changement de fuseau horaire le Maroc économiserait 0,17% sur sa consommation d’énergie. Cette économie d’énergie varie entre 0,03% et 2,5% selon les pays. Par ailleurs, rares sont les pays où on enregistre une hausse de la consommation d’énergie.
Toujours dans un langage chiffré, l’étude démontre (selon les statistiques de l’ONEE) que le Maroc est classé 7e en tant que pays économiseur d’énergie avec 35.415 GWh en termes de consommation énergétique par an, juste après la Norvège (113.645 GWh).
Pour l’aspect environnemental, selon le document, il ne peut que jouir d’un impact positif direct sur la disponibilité de l’énergie, l’économie de carburant, la réduction des émissions de CO2 (soit l’équivalent de 300.000 tonnes durant la période 2012-2017).
Quant à l’impact économique, plusieurs arguments sont avancés. L’étude de PwC évoque une baisse du coût de la logistique entre les pays membres de l’Union européenne (UE), l’inexistence d’impact sur le volume des transactions commerciales internationales, une amélioration de la consommation intérieure lors de la période estivale et une baisse des indices boursiers juste après le changement de l’heure légale.
Le volet social et sociétal accuse des répercussions négatives sur le sommeil et, par conséquent, sur le degré de concentration aussi bien chez les employés que les élèves et étudiants. Ce qui se répercute négativement sur la productivité et le rendement en classe.
Si l’étude réalisée par le cabinet PwC note une amélioration des conditions de sécurité le soir grâce à des journées qui durent plus longtemps, elle pointe aussi du doigt le fait que le maintien de GMT+1 pourrait entraîner une augmentation des risques d’accidents de la circulation lors des premiers jours qui suivent le changement de l’heure. L’étude rappelle qu’en 2008 – lorsque le changement d’heure a été appliqué pour la première fois au Maroc -, le nombre des accidents a enregistré une hausse de 10% contre une moyenne annuelle de 0,56% entre 2009 et 2016. Et de préciser que « cela est le cas partout dans le monde ». « Au Canada, le premier lundi après le passage à l’heure d’été connaît une hausse de 20% des accidents de la circulation », avance l’étude.
Qu’en pensent les Marocains?
L’étude de PwC initiée par le gouvernement tend à montrer une dépréciation de l’expérience marocaine par rapport au fuseau horaire GMT+1. Si le passage à l’heure d’été parvient à susciter un sentiment de sécurité le soir, le sentiment d’insécurité le matin s’accroît pour 56% des personnes sondées, cela à cause du lever tardif du soleil. Et, 77% des interrogés confirment que le changement de l’heure légale cause des perturbations de sommeil. Plus de 70% d’entre eux affirment en effet perdre une à deux heures de sommeil et 54% affirment que leur niveau de concentration est affecté par ce changement.
Selon une autre enquête du cabinet Claire Vision Consulting, les Marocains sont très majoritairement contre le passage à GMT+1. Ils craignent notamment un impact négatif sur leur santé et n’adhèrent pas à l’argument gouvernemental des économies d’énergie.
Du côté des entreprises ayant participé à l’étude de PwC, 64% d’entre elles affirment que leurs employés sont en retard durant les premiers jours suivant le changement d’heure, alors que 57% des entreprises observent une réduction de la productivité, toujours durant les premiers jours suivant le changement.
Selon des déclarations de médecins citées dans le document, « l’adaptation de l’horloge biologique (naturelle) avec le changement d’heure nécessite entre 8 et 15 jours, ce qui ne pourra pas se faire sans des répercussions négatives sur le cours de vie du citoyen », lit-on dans le rapport.
Globalement, l’étude démontre que le choix d’une heure légale pendant toute l’année devient nécessaire en ce sens que 68% des personnes interrogées et 63% des entreprises sondées sont contre le changement répétitif de l’heure légale.
Avantages et inconvénients du GMT+1
Autant d’avantages que d’inconvénients ont ainsi été listés par PwC. Les avantages sont déclinés comme il suit :
- profiter de l’heure tardive du coucher du soleil le soir pour faire des activités culturelles.
- économie d’énergie.
- renforcement de la sécurité énergétique du Maroc.
- réduction des émissions de CO2 grâce à l’énergie fossile.
- favoriser la consommation intérieure.
- profit à secteurs sensibles aux horaires, notamment l’offshoring.
Quant aux inconvénients :
- obligation d’adapter les horaires scolaires.
- réduction du sentiment de sécurité durant les matinées de l’hiver.
- éventuelle hausse de la consommation d’électricité en hiver.
- nécessité de mobiliser de nouveaux investissements en rapport avec l’éclairage public, la sécurité et le transport, etc.
Recommandations du PwC au gouvernement
A l’issue de cette étude concernant le Maroc et basée sur une expertise internationale, le cabinet PwC propose au gouvernement marocain trois scénarios envisageables pour l’adoption de l’heure légale à savoir : l’adoption du fuseau horaire GMT toute l’année, l’adoption du fuseau horaire GMT+1 toute l’année ou l’adoption du système de changement d’heure GMT/GMT+1.
Dans ce sens, l’étude explique que les impacts négatifs du changement d’heure sont liés au changement répétitif de l’heure et non au fuseau horaire choisi. Ainsi, il a été recommandé d’adopter une heure légale fixe tout au long de l’année. Ne restent donc plus qu’au gouvernement deux options : choisir soit le GMT ou le GMT+1, et l’adopter de manière permanente.
Le cabinet de consulting PwC propose ainsi des mesures d’accompagnement pour l’application du scénario que le gouvernement choisira. Y figurent des mesures communes et d’autres plus spécifiques aussi bien au GMT qu’au GMT+1.
Les mesures communes recommandées
- une consultation institutionnelle avec les acteurs concernés.
- repenser le cadre juridique de l’heure légale du royaume.
- communiquer sur le nouveau système de l’heure légale en amont et en aval de son adoption
- informer les acteurs dans les domaines des transports publics, de la communication ainsi que des technologies et de l’information.
- soumettre le scénario approuvé tout au long de l’année à une évaluation périodique.
Mesures dédiées à l’adoption du GMT
- assurer les investissements énergétiques en vue de répondre à la demande énergétique en période de pic, qui représente 0,17% de la consommation annuelle d’énergie, soit 220 millions de dirhams par an entre le budget d’investissement et le coût d’importation de combustible.
- favoriser l’utilisation des énergies renouvelables.
Mesures dédiées à l’adoption du GMT+1
- prévoir des horaires appropriés pour l’école, tout en évitant de garder les mêmes effets négatifs causés par le changement d’heure, à savoir perturbation de l’horloge biologique, diminution de la concentration et de la productivité, etc.
- adopter le principe de flexibilité dans les horaires de travail pour maintenir les effets positifs de l’heure d’été.
- discuter avec les syndicats et la CGEM pour asseoir des initiatives en vue d’une adaptation des horaires avec le secteur privé.
Le travail mené pour cette étude a démarré en mars 2018 (étape d’évaluation) et a pris fin en avril 2019, à l’issue de la seconde partie consacrée à l’évaluation du système adopté fin octobre dernier (GMT+1) lequel a débouché sur un document vivement réclamé au gouvernement par l’opposition, notamment le PAM et l’Istiqlal.