Les fondements d'une autonomie africaine selon l'IRES

Dans son rapport stratégique 2018 intitulé « Pour un développement autonome de l'Afrique » et publié le 30 octobre, l'Institut royal des études stratégiques (IRES) révèle ses ingrédients pour favoriser un développement autonome du continent. Focus sur le capital humain.

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Une Afrique solidaire et autonome. C’est l’objectif fixé par le rapport 2018 de l’Institut royal des études stratégiques. Publié le 30 septembre, ce rapport estime que l’un des piliers pour que l’Afrique sorte de la pauvreté consiste à réformer profondément le système éducatif du continent. En insistant sur ce levier, les jeunes Africains seraient ainsi plus consciencieux et davantage engagés, considèrent les auteurs de ce document de 344 pages.

Dans son analyse, le rapport de l’IRES fait état des lieux d’une génération de jeunes dotés d’une conscience politique et écologique et composée de digital natives. C’est-à-dire, une génération née avec Internet et les nouvelles technologies, et qui se situe ainsi en rupture par rapport à sa culture et son milieu. Baptisé « Alien generation », elle est à l’origine de mouvements citoyens comme « Filimbi » en République Démocratique du Congo, « Y ’en a marre » au Sénégal ou encore « Balai Citoyen » au Burkina Faso.

Pour l’IRES, cette génération sera l’avenir de l’Afrique et prendra appui sur notion d’ubuntu, un concept bantou millénaire qui signifie « Je suis un être humain par et pour les autres ». Pour l’institut de recherches marocain, c’est notamment en mobilisant ce capital humain que l’Afrique, avec une communauté continentale de plus d’un milliard d’humains, pourra devenir autonome.

Dans ce sens, le rapport appelle à créer un ubuntu africain pour relever le défi de l’éducation. Un défi crucial puisque près de 47% des Africains ont moins de 18 ans, et que dans quinze pays d’Afrique plus de la moitié de l’ensemble de la population a moins de 18 ans. Pourtant, seuls l’Afrique du Sud, le Ghana, le Malawi, le Mozambique, le Swaziland et la Tunisie réservent plus de 6% de son PIB à l’éducation.

Dynamique de la classe moyenne

Pour refonder les systèmes éducatifs africains, l’IRES préconise un bond en avant, un leapfrog, littéralement un saut de grenouilleSelon le document, ce saut qualitatif pourrait s’appuyer sur deux éléments : la confiance envers l’école et la confiance dans la possibilité de faire autrement. Le concept du leapfrog implique de s’autoriser à faire différemment de ceux qui ont « réussi », quitte à brûler les étapes qui ont été suivies par les pays industrialisés.

Le rapport fournit ainsi trois axes pour favoriser le développement de l’éducation en Afrique : l’implication des filles, l’expérimentation disruptive et l’éducation populaire. Premièrement, l’IRES préconise de rendre l’éducation obligatoire jusqu’à 16 ans, au moins pour les filles,  si ce n’est pas possible pour les deux sexes. Un élément qui préserverait de la déscolarisation précoce et qui leur permettrait d’acquérir une plus grande autonomie. Deuxièmement, l’IRES appelle à l’expérimentation d’alternatives disruptives. Et pourquoi pas des classes inversées ? Un tutorat entre élèves ? Et l’aide automatisée aux devoirs, avec des applications éducatives et autres tutoriels ? Troisième pilier de cette réforme avancée par l’IRES : une éducation populaire à destination des adultes urbains (analphabètes ou illettrés).

Un système éducatif de qualité permettra l’émergence socio-économique du continent, selon l’IRES. Une émergence soutenue par une classe moyenne d’environ 350 millions de personnes en 2017 et qui, en dynamisant la demande intérieure, deviendrait le principal moteur de la croissance du continent.

Une gouvernance africaine globale

« Si le capital humain est le substrat même d’un développement autonome de l’Afrique, la gouvernance globale en est une condition sine qua non », affirment les auteurs de « Pour un développement autonome de l’Afrique ». Si les différentes communautés économiques régionales du continent réalisent des progrès, à la fois économiques et politiques, l’Union africaine (UA) pourrait en fait devenir la plus grande entité territoriale que l’humanité n’ait jamais connue. Aussi, le rapport rappelle que l’UA ambitionne de construire l’autonomie du continent, notamment à travers l’Agenda 2063 « L’Afrique que nous voulons » adopté en 2015. C’est cette coalition de pays pourra faire face à d’autres défis qui ne peuvent être relevés au seul niveau étatique, à l’image de celui du changement climatique.

Enfin, une Union africaine forte sera plus à même de faire entendre sa voix au sein des institutions internationales qui supportent financièrement le continent : Banque mondiale, FMI, G-20…  L’IRES note que « malgré les indépendances, la persistance de l’emprise de puissances étrangères et des institutions internationales est un frein à l’essor du continent ». Et au rapport de lister : franc CFA, partenariats économiques défavorables à la partie africaine, décolonisation foncière inachevée, appuis politiques favorisant certaines dictatures…

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